Par où commencer ? Voilà 12h que j'ai quitté la salle de cinéma, entre temps il y a eu une nuit et de l'orage, et pourtant ça ne va pas mieux. Je me sens toujours terriblement mal depuis que j'ai quitté ce siège rouge.


D'abord, j'ai l'impression d'avoir été pris pour un énorme attardé tout le long du film. Comme souvent dans les mauvais films, on assume pas de faire de cinéma, alors au lieu de montrer les choses, d'exploiter le régime d'émotion propre au cinéma, on utilise la parole des acteurs pour faire le film. Pierre Niney, dont la performance est indéniablement exceptionnel d'ailleurs, n'ira par exemple au début pas voir son père directement, il passera par une servante qui nous le présentera implicitement, qui verbalisera les sentiments qu'Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte ne sont pas capables, ou refusent de montrer par les images.

Bresson dit “Monter un film, c’est lier les personnes les unes aux autres et aux objets par les regards.” De La Patellière et Delaporte ne le feront quasiment pas tout le long des 3h de film. Pourquoi ? Les raisons pourraient être intéressantes à décortiquer : talent questionnable, nécessité de produire un film accrocheur et rentable, poids des scénaristes et des producteurs, mais elles s'écartent du problème initial, à savoir que le résultat est mauvais. En fait, je crois que je me suis senti mal parce que c'était mauvais, parce que j'ai l'intime conviction que les bons films existent, et que j'avais donné sa chance à Monte-Cristo. J'ai été déçu, terriblement déçu de n'avoir trouvé dans ce film que des ressorts faciles, des retournements de situation qui se voient de loin comme un camion qui fuse pleine balle sur une route de campagne.


La musique y joue pour beaucoup aussi. Elle est en permanence illustrative, reste dans une emphase insupportable qui vient souligner chaque scène, qui vient nous dire quoi ressentir, quoi penser. Merde, on est trop con pour comprendre quand c'est triste ou quand il faut avoir peur ? La bande sonore ne véhiculera jamais son propre sens : la parole, les bruits ou la musique, accompagneront les images sans jamais les transformer. Le mouvement qui articule les images et le son ne sera jamais cinématographique. Retirer 90% de la musique, et je suis persuadé que le film nous toucherait beaucoup plus, arriverait à nous atteindre là où le cinéma nous atteint. Ici, nous n'avons été touché que par un mélange raté de théâtre, de littérature et de son.


La force du cinéma, c'est de superposer des images et des sons, qui indépendamment les uns des autres, ne produisent rien qu'ils ne soient pas destinés à produire, mais par le rapport qui s'opère entre les eux lors du montage, par la transformation qu'ils subissent juxtaposés, emportent le spectateur dans un régime émotif unique, où l'imaginaire vient chez lui créer des liens sensibles, sans égal. Et ces liens, entre eux, travaillent alors pour nous donner, non de l'oubli, mais des souvenirs, la fécondité de l'instant qui nous glissent du baume au cœur, quelques larmes et l'impression d'avoir vécu.


Je pourrais continuer encore sur des reproches similaires, mais d'autres le feront sans doute à ma place, mieux.

philooooo
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le 12 juil. 2024

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