Les attentes étaient grandes... Un joli casting, une histoire extraordinaire et un budget adapté à un tel récit... mais au final, reste la déception.

Niveau réalisation, c'est très beau, le budget semble avoir été bien utilisé. La musique accompagne bien le récit. Bien que la période en prison aurait pu être plus marquée par les jeux de lumière, pour que l'image accentue plus la descente aux enfers d'Edmond Dantès.

Autre point positif: Pierre Niney. Le choix semblait parfait avant même la sortie et il l'a été. Ce profil longiligne, d'une beauté froide correspondait parfaitement au livre de Dumas. Le travail des maquilleurs était très propre. Peut-être la pâleur de Monte-Cristo aurait pu être accentuée mais ce n'est qu'un détail.


Mais j'en viens au problème de ce film, à ce qui ne fait pas de ce film un chef d'oeuvre: le fond. Il faut l'admettre, adapter au cinéma un tel livre, plus de mille pages, est complexe, difficile d'y mettre toutes les intrigues, tous les personnages, les évolutions dans les autres villes... Mais je suis persuadé que cela aurait pu être mieux fait.

Certains choix sont contestables: Edmond Dantès ne fomente pas sa vengeance en prison mais en sortant, ce qui donne une scène moyenne où il revient à Marseille directement; Fernand est déjà comte au début du film alors que dans le livre il est un simple pêcheur, il n'y a plus d'ascension sociale, accroissant la haine pour ce personnage; Edmond Dantès ne veut pas aller en prison alors que dans le livre, il se fait avoir et y va presque de son plein gré, persuadé d'avoir Villefort comme allié...

Des personnages importants ont été enlevés comme le père de ce fameux Villefort, bonapartiste qui est la raison de l'entrée en prison de Dantès dans le livre, et qui au récit de son fils n'exprime aucun remord ou compassion envers le pauvre innocent condamné; Maximilien Morrel n'apparaît que rapidement au début du film; les domestiques du comte de Monte Cristo se résument à un simple personnage, là où leur pluralité dans le livre sert le récit... Toutes ses absences appauvrissent le film mais elles peuvent être compréhensible dans cette logique de réinterprétation régie par le souci de ne pas avoir un film de 7 heures. Et, surtout, ce ne sont pas ses absences qui desservent le plus le film.


Le vrai problème est dans la réécriture des personnages. Leur complexité, leur nuance a été effacée. Caderrousse est un homme qui se repente trop vite; le jeune Andrea, le faux prince, jeune homme animé par la vengeance, fidèle de Monte Cristo, attire notre sympathie alors que dans le livre, il est un personnage peu appréciable, qui tue sa mère adoptive et vit d'avidité. Le personnage n'est pas complexe, plus dans cet entre-deux. Nous ne sommes pas partagés entre la haine contre son père qui l'a enterré, le croyant mort, et la personnalité du jeune homme qui est détestable.

Haydée, qui s'éprend du jeune comte de Morcerf, est trop facile, celle qui est censée être une beauté froide qui n'a d'yeux que pour le comte de Monte Cristo tombe bien vite dans les bras du jeune homme. Sa vengeance devient secondaire trop vite, elle n'est plus mystérieuse. Sa fin dans le livre est plus surprenante, plus originale.

Aussi, les trois "méchants". Dans le livre, ils sont régis par leur ambition mais sont moins manichéens. Dans le film, ils sont détestables, un point c'est tout. On n'a aucune pitié pour eux. Rien ne leur pardonne de n'avoir résisté aux trois tentations: le pouvoir pour Villefort, l'argent pour Danglars et l'amour pour Morcerf. Ils sont vilains, point final. Une des preuves grossières de ce manichéisme: Danglars, qui dans le film devient marchand d'esclaves, on ne sait pourquoi, si ce n'est pour grossir le trait de sa méchanceté. Or, et c'est peut-être ma propre interprétation, mais le livre nous invite à la nuance, à questionner la vengeance crue de Dantès. La présentation des personnages dans le film est pour moi trop grossière, elle ne joue pas avec nos sentiments, avec notre morale.

Enfin le personnage d'Edmond Dantès. Pierre Niney est époustouflant, il nous y a habitués. Mais certaines scènes le desservent. La scène de combat dans les rues de Paris est inutile. Celle de la fin contre Fernand l'est aussi, elle est à l'image du film: belle et épique dans sa forme mais au détriment du récit. Car le comte de Monte-Cristo ne se bat pas, il n'en a pas besoin. C'est son assurance et sa maitrise reconnues des armes qui terrifient ses adversaires. Il n'a pas à se battre, il fait peur sans lever l'épée. De plus, il a toujours un coup d'avance.

Aussi la scène du diner est prenante mais Monte-Cristo qui se mue en acteur de théâtre ne correspond pas son image, celle d'un personnage froid, puissant, distant. Là encore, il n'a pas besoin de ça.


Ainsi, ce film n'est pas un chef d'oeuvre. Cela reste un très bon film. Il donne raison au fait de se déplacer au cinéma. Les scènes d'action sont réussies. Aussi, voir des productions françaises ambitieuses, des grands acteurs jouer ensemble, des scènes grandioses est toujours plaisants. Mais pour être chef-d'oeuvre, l'image se doit d'être au service du fond. Et là, le fond ne transparaît pas assez dans la forme. Sans doute suis-je trop influencé par le livre, grandiose, mais l'esprit de celui-ci, sa complexité aurait pu être mieux traduit à l'image. Les plans en bateau magnifiques, les costumes ainsi que le bon casting ne peuvent atténuer ce manque de fonds.

A l'instar du film "les trois mousquetaires" de Martin Bourboulon, je reste donc sur ma faim. L'intrigue est moyenne et les personnages manques de profondeur, ils sont appauvris.

Ainsi, il ne reste donc d'extraordinaire que la forme, le fond a été réduit, a perdu en dimensions.


Amyan-Monod
7
Écrit par

Créée

le 31 juil. 2024

Critique lue 6 fois

Amyan-Monod

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