Le Comte n'est pas bon !
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...
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le 1 juil. 2024
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On aurait pu souhaiter que le titre reste un oxymore ; du moins voir le film « Le comte de MonteCristo », adaptation du célèbre roman d’Alexandre Dumas, m’en a convaincu. La production-fleuve de près de trois heures - qui prouve une fois de plus qu’il faut désormais réaliser des films presque aussi longs qu’une épreuve de dissertation pour concurrencer les plateformes de streaming, et faire valoir coup de se déplacer pour se rendre au cinéma-, s’inscrit dans ce qui semble être cette nouvelle non plus tendance, mais tradition, du cinéma international : la reprise de scénario original pour les adapter en film. Qu’importe qu’ils soient scénario de livres, de feuilletons, ou scénario de vie dans le cas plus tragique des biopic. Les producteurs des « blockbusters » modernes n’ont plus de temps à gaspiller à l’écriture et la réflexion, et les productions françaises n’en sont désormais plus l’exception. Les mêmes sempiternels artistes, Pierre Niney et al, accompagnement cette marche funèbre.
La transmutation de l’oeuvre originale et monumentale de Dumas en un blockbuster est une problématique éthique. Les coeurs oscilleront peut-être entre souhait de démocratisation de l’art et de la culture, et respect des grandes oeuvres qui fondent la littérature française. On pourrait arguer que l’oeuvre de Dumas est par nature une oeuvre feuilleton, publiée dans les journaux et quotidiens du XVIIIè (ironie du sort, précédant de quelques siècles les séries Netflix) ; la mise en récit cinématographique de l’oeuvre s’inscrit donc dans une certaine histoire d’accès culturel populaire, et c’est une démarche qu’on pourrait louer si démocratisation ne rimait pas avec maximisation des places vendues au box office. Bref, gardons à l’esprit l’hypothèse de la volonté originelle de démocratisation de l’accès à l’art. Mais on se frotte alors désagréablement à un paradoxe, qui est celui du respect pour l’oeuvre originel.
Il est de main courante qu’on fasse un usage décomplexé des oeuvres et de la mémoire des auteurs une fois le trépas passé (Kundera a traité cette problématique) ; mais l’indignation est sous-jacente pendant les trois heures du film. Le paradoxe, finalement, est tragique : lutter contre l’élitisme du cinéma français, et en même garder l’essence de l’histoire de son art. Les dialogues, entre fidélité au parler -bourgeois- de l’époque dont on s’attendrait d’un film d’époque, et parler populaire amuseur (« Ta gueule »), permettent-ils de résoudre l’antinomie en un modernisme osé et créateur (capitaliste)? Ou marquent-ils un « en même temps » intéressé, permettant de toucher tous les publics, toutes les sensibilités, de satisfaire tous les consommateurs, comme Edgar Morin le faisait remarquer dans son analyse de la culture de masse? Assiste-t-on à un renouveau du cinéma français, ou un enfoncement un peu plus brutal dans le non-être artistique et cinématographique qu’il pointait déjà dans les années 70 - qui plus est alourdi ici par un imposant boulet temporel? Question éthique et artistiquement existentiel : peut-on affirmer faire connaitre l’oeuvre d’Alexandre Dumas et démocratiser la culture à travers cette production? La question est douloureuse. Y répondre par la négative ne condamnerait-elle pas les espoirs d’un tel dessein?
Sans aucun doute mon point de vue est il le produit d'une personne éduquée au cinéma, et sans doute aussi faire de ce film une marotte sur les problématiques de démocratisation de la culture est discutable ; mais toujours est-il que le « Comte de Monte-Cristo » version cinématographique peut être vue comme la matérialisation visuelle des évolutions du secteur cinématographique français de notre temps : une production cinématographique américanisée dont les « ta gueule » sont la triste French touch.
Créée
le 21 août 2024
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