Durant toute sa vie, Alexandre Ptouchko s'est passionné pour les contes et légendes russes, ceux-ci retraçant la genèse de son pays. Ce n'est donc pas un hasard si la plupart des films qu'il a réalisés empruntent à ces thématiques, que ce soit Le Géant de la Steppe, grand récit épique sur le héros slave Ilya Mouromets qui repoussa les invasion tartares, ou Le tour du monde de Sadko dont le héros fait partie intégrante de la mythologie russe.
Une étoile est née
Au cours des années 50-60, Ptouchko écrit donc au travers de ses films un certain roman national russe qui plaît beaucoup à l'Union Soviétique mais aussi aux spectateurs, lui permettant ainsi de devenir l'un des cinéastes majeurs de sa génération. Toutefois, son succès se trouve limité à l'URSS, ses oeuvres étant trop culturellement ancrée dans la culture slave pour pouvoir toucher un public étranger.
Ayant toute la confiance du parti communiste, Ptouchko a carte blanche pour réaliser ses films. Il reçoit des budgets faramineux et peut passer plusieurs années pour réaliser un seul long-métrage (cadence que peu de cinéastes peuvent se permettre à l'époque). Il faut dire que Ptouchko est un perfectionniste, investissant énormément de temps et d'argent pour créer des séquences grandioses s'inspirant des peintures de Victor Mikhailovich Vasnetsov ou de Caspar David Friedrich. Il tient également lui-même à effectuer la plupart des trucages visuels présents dans ses films. Tel Ray Harryhausen, il confectionne ainsi ses propres créatures (dragons, oiseaux, etc...).
Le Walt Disney russe ?
Adaptant des contes de fées, utilisant des couleurs et aimant insérer des passages musicaux, Ptouchko est souvent comparé à Walt Disney. Comparaison peut-être un peu trop rapide car là où Disney internationalise et standardise les contes pour les offrir au plus large public possible, Ptouchko reste très fidèle aux textes d'origine qu'il adapte afin d'en conserver la fibre culturelle slave.
On peut le constater dans Le Conte du Tsar Saltan où Putchko adapte un célèbre poème de Alexandre Pouchkine. Le poème se distingue par sa forme très spéciale, écrit en chorée de quatre pieds, que Putchko fait réciter à la virgule près par ses acteurs, voulant à tout pris respecter l'esprit de Pouchkine et rendre toute la beauté du texte à l'écran.
Du reste, Le Conte du Tsar Saltan se révèle une histoire très amusante, loin de la cruauté ambiante de certains contes. Cela s'explique par le fait que Pouchkine s'est inspiré, pour écrire ce poème, de deux contes de Madame d'Aulnoy, écrivaine française du XVIIIème siècle et ayant pour habitude de faire preuve d'un humour impertinent. Il est amusant d'ailleurs de voir que si beaucoup de gens ont oublié d'Aulnoy en France, elle semble par contre avoir laissé une certaine empreinte en Russie vu que ses écrits ont inspiré de grands artistes comme Pouchkine mais aussi Tchaïkovski qui a inséré les personnages du conte de l'Oiseau Bleu dans son ballet La Belle au Bois dormant.
Quant au Conte du Tsar Saltan, celui-ci racontant les affres d'un jeune prince destitué du trône, il permet à Ptouchko de créer une oeuvre féerique avec de nombreux effets visuels comme lui seul en a le secret. On retiendra surtout sa cité magique avec ses habitants complètement figés, passage magnifique dont on aurait du mal à croire que Jacques Demy ne s'en est pas inspiré pour réaliser une scène semblable dans Peau d'Âne, lorsque la princesse s'échappe de son château et arrive au village.