Récit dramatique classique mais néanmoins très classieux sur, côté féminin, l'engrenage de la prostitution et, côté masculin, l'engrenage du monde des yakuzas. À l'interface entre ces deux mondes, on se doute que les frictions vont provoquer des étincelles et ce film de Noboru Nakamura le racontera avec beaucoup d'élégance, faisant de "Le Contour de la nuit' un élément attrayant du cinéma japonais du milieu des années 1960. Finalement la première chose qui frappe est d'ordre esthétique : pour représenter le monde de la nuit dans lequel la protagoniste interprétée par Miyuki Kuwano évolue, ce sont les couleurs un peu blafardes des néons nocturnes qui envahissent en premier lieu l'espace. Cet écrin graphique est probablement la plus grande contribution à l'ambiance particulière d'un film qui, peu à peu, s'orientera vers un mélodrame sentimental dont on connaît assez bien les ressorts. Un homme et une femme se rencontrent, s'apprivoisent, tombent amoureux, mais rapidement quelques secrets du passé ressurgissent et feront basculer la romance vers le tragique.
La maîtrise formelle de Nakamura confère au récit par ailleurs relativement attendu une empreinte légèrement irréelle, un voile emprisonnant l'héroïne dans sa condition — avec son petit ami lui-même prisonnier de la mafia, la violence aura tôt fait de s'insinuer dans leur relation. Le portrait de ce dernier a du mal à rivaliser dans la finesse avec celui de la femme, les mécanismes de manipulation et de domination qui se mettent en place passant par des archétypes peu travaillés : le violent, le désœuvré, le pathétique, etc. Le point culminant de l'enfer dans lequel le couple s'est retrouvé piégé (enfin, c'est surtout elle qui en paiera le prix fort) sera mis en exergue par l'ellipse et le hors champ, lui impuissant devant les conséquences de son comportement teinté de duplicité, elle victime de la mafia qui lui fera comprendre durement qu'aucune échappatoire n'est possible.