Film sombre, bien plus sombre que ne le laisse présager son affiche colorée, Shape of the Night est un bon film de studio japonais des années 1960, qui sait garder un ton dur tout le long. Trop et pas assez dur à la fois, à mon avis.
Le film est un peu un mélange entre un Naruse (on pense immédiatement à Quand une femme monte l'escalier, qui traite du même sujet, dans un quartier visuellement similaire) et un Shinoda (Fleur pâle, auquel il emprunte le monde interlope des yakuzas). Mais cette double inspiration pèche par son manque de risque dans la narration, qui, hormis d'être non-linéaire, ne passionne pas outre-mesure.
Ce n'est pas faute d'une héroïne particulièrement bien écrite et psychologiquement complexe, qui se révèle à mesure que les contradictions qui entourent son mode de vie sont mises en évidence par un jeune entrepreneur qui s'est dans un premier temps acheté ses services (Keisuke Sonoi). Ni de l'interprétation sans faute de son actrice (Miyuki Kiwano), particulièrement subtile et évanescente dans son jeu de corps, de regards. Ni du principal antagoniste, qui connaît au cours du film une évolution particulièrement intéressante, qui rebat les cartes de sa relation avec l'héroïne.
Non, le principal souci de Shape of the Night est qu'il se déroule aimablement, en dépit de son sujet sérieux et sale, sans encombre ; dramatisé, mais trop peu pour être véritablement marquant ; naturaliste, mais en même temps renfermé sur son histoire, l'actualité brûlante du Japon de l'époque ne passant qu'au troisième plan, seulement évoqué à quelques rares occasions.
Aussi quand arrivent les 30 dernières minutes du film, qui explicitent la relation plus que toxique entretenue par la prostituée et son mac et les raisons de sa curieuse stabilité, la pellicule n'a déjà plus grand-chose à nous mettre sur la dent, et nous fait regretter que la noirceur des personnages et de leur situation ne se retranscrive pas avec davantage de force dans une conclusion qui laisse quelque peu de marbre.
Reste la très belle photographie (extirpée de l'académisme par quelques rares ellipses faites de plans courts sur des enseignes de néon) et une musique prenante pour faire de ce film un bon moment, sans plus.
Voir plutôt : Fleur pâle (Shinoda, 1964), La fin d'une douce nuit (Yoshida, 1961), Tatouage (Masumura, 1966).