L'enfer vert.
Dédié au cinéaste Henri-Georges Clouzot, "Sorcerer" est en effet un remake de son film "Le salaire de la peur", ou plutôt une seconde adaptation du roman de Georges Arnaud. Souhaitant au départ...
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le 18 janv. 2015
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Le regain d'intérêt pour Sorcerer est tout à son honneur. Aujourd'hui il est même difficilement concevable que ce coup de maître signé Friedkin ait été à ce point ignoré lors de sa sortie. Certes il y avait Star Wars en face avec le raz-de-marée que l'on connaît. Et peut-être que le casting n'est pas assez glamour pour attirer les foules (surtout quand on sait qu'étaient prévus à l'origine Marcello Mastroïanni, Lino Ventura et Steve McQueen). Mais quand même, c'est frustrant. Le film a été un échec financier total. Heureusement qu'il s'est offert une certaine popularité avec les années. Jusqu'à être très largement reconsidéré aujourd'hui. Ses passages dans les festivals ont toujours fait sensation. Personnellement je l'ai découvert aux Hallucinations Collectives de Lyon et je ne m'en suis jamais remis.
Il faut dire que ce remake du Salaire de la Peur de Clouzot étale un lot de qualités fort confortable. Un concept déjà. Et parfois un concept vaut mieux qu'un scénario qui n'a rien à dire. Ici, un geyser de pétrole a jailli du sol dans la forêt amazonienne. Pour l'arrêter il faut faire péter la source. A coup de dynamite et dans un délais relativement court. Des hommes sont alors désignés pour aller chercher des explosifs hautement sensibles à un point A et les emmener en camion au point B, lieu du geyser. Voilà, c'est aussi simple que ça. On y ajoute un peu de profondeur en faisant des protagonistes d'anciens bandits, voyous ou arnaqueurs obligés de fuir leur pays respectif et la messe est dite. On a là la belle promesse d'un voyage sous très haute tension. Oui car les routes de forêt ne sont pas des plus sûres et la moindre maladresse fait sauter la dynamite.
Son autre grande qualité c'est certainement son caractère imprévisible. Du suicide du Docteur Strauss de H au début au plan final qui montre que la vie n'est qu'un putain de cercle vicieux, en passant évidemment par (DEBUT SPOILER !!) la dégringolade de l'un des camions alors que tout semblait aller pour le mieux (FIN SPOILER), on enchaîne ces scènes folles où rien n'est acquis. La prodigieuse scène du pont suspendu pourrait se suffire à elle-même mais Friedkin en grand sadique y rajoute un arbre emporté par le courant qui vient se fracasser sur le camion alors que celui-ci est encore en pleine traversée. Et à peine sortis de là, voilà qu'un tronc gigantesque barre la route du convoi. La nature est une force imprévisible. Et surpuissante. Friedkin s'aligne sur cette idée pour un spectacle hallucinant.
Sa mise en scène a beau être très stylisée, elle n'en est pas moins posée. Il faut avant tout que le spectateur soit conscient de ce qu'il se passe, qu'il voit tout. Seule la partition de Tangerine Dream relève parfois la sauce mais elle n'avantage jamais vraiment le film. Par contre elle sait poser une ambiance qui colle à merveille avec le côté mystique et résolument fantastique du métrage. Car il y a bien une aura fantastique dans ce Sorcerer, quelque chose de jamais vraiment palpable mais qui suinte de chaque photogramme dès lors que l'on pose nos yeux en pleine forêt amazonienne. Le même esprit qui anime les autres grandes oeuvres situées dans l'enfer vert, d'Apocalypse Now à Aguirre, la Colère de Dieu. C'est absolument brillant, ça retourne le cerveau et le film dépasse largement son concept pour devenir un chef d'oeuvre sensitif fascinant de bout en bout.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Le festival des Hallucinations Collectives, une véritable histoire d'amour, Les églises : hauts lieux de violence, BLU-RAY DISC et CHAOS
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le 13 janv. 2016
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