Commençons par une des remarques récurrentes de ceux qui n’ont pas accroché à Sorcerer : "pourquoi ces scènes d’intro ?"
Pour ma part, la grandeur du film ne se trouve pas dans la partie d’introduction. Cependant elle est très utile pour l’aventure qui va suivre car elle permet de faire connaissance avec les 4 personnages principaux. Qui sont-ils et quelle est la raison qui fait qu’ils ont fui leur pays. Ce qu'on peut d'ores et déjà dire c'est que ce ne sont pas des héros ! Ce qui fait que notre attachement à eux, contrairement à l'original de Henri-Georges Clouzot, Le Salaire de la peur, est tout à fait différent. Il y a :



  • Un gangster américain, spécialisé en pilotage, joué par Roy Scheider

  • Un terroriste palestinien, joué par Amidou

  • Un homme d’affaires français, joué par Bruno Cremer

  • Un tueur à gage hispanophone, joué par Francisco Rabal.


Il n’y a pas de doute concernant la fuite des 3 premiers. Pour éviter une condamnation lourde, ou des représailles de gangsters pour l’américain. Pour le 4ème, il y a 2 options : soit lui-aussi veut fuir un danger, soit il est ici pour honorer un contrat, à savoir tuer un ancien nazi (de la même manière qu’arrivent les gangsters américains à la toute fin du film pour liquider le personnage interprété par Roy Scheider).


Leur spécialité à chacun va leur servir au cours du périple. L’homme d’affaires va aider à augmenter leurs bénéfices de mission juste avant le départ (augmentation de la prime + passeports), le terroriste va apporter la technique pour faire exploser l’arbre barrant la route, le tueur professionnel va liquider les rebelles et le conducteur va amener le camion tout près de la destination finale.


Suite à cette introduction, nous voilà plongé dans ce village crasseux, immonde où l’on retrouve nos 4 personnages. Ce qui fait survivre les habitants de ce village est une société pétrolière américaine. Le travail est difficile, dangereux (les morts s’accumulent) et les travailleurs sont exploités (le Germinal de Zola n’est pas loin). Si la situation reste de la sorte, impossible de se payer le voyage de retour pour nos protagonistes, condamnés à finir leurs jours ici.


Un coup du sort arrivera cependant : l’explosion d’un puit de pétrole à 218 kilomètres du village. Le seul moyen d’arrêter la propagation de l’incendie étant de faire péter à la nitroglycérine ce puit.


A la manière d’un starter qui donne le départ en tirant un coup de feu, William Friedkin lance réellement les hostilités à ce moment-là du film. S’en suit la préparation des camions, la traversée du pont, l’explosion de l’arbre, l’accident d’un des camions, la traversée des canyons, l’arrivée de nuit devant l’incendie et le retour au village se finissant par une danse avec la mort !


On met son cerveau en veille et ouvre grand les yeux (et les oreilles avec Tangerine Dream) pour savourer ce spectacle sensoriel, trop rare dans l’histoire du cinéma. Il fait partie de ces rares films où, à peine je l’ai revu, j’ai déjà hâte de le revoir !
Jamais le numérique (et son fameux fond bleu ou vert) ne substituera le réel. D’autant plus quand on connait un peu l’histoire de ce film car elle correspond presque à ce qu’on voit à l’écran. Il y a au moins 2 points communs :



  • Des conditions de tournage extrêmes. La durée prévue a largement été dépassée pour de multiples raisons : des conditions météos imprévisibles, un réalisateur perfectionniste (la scène du pont a nécessité à elle seule 3 mois de tournage, Friedkin désirant une lumière précise sans avoir recours à des trucages) des membres de l’équipe victimes de la malaria et d’autres qui se font prendre en possession de drogue.

  • Un film maudit, car il a subi un flop commercial colossal. La raison principale étant la sortie en salle de Star Wars une semaine auparavant. Un public américain qui a changé et voulait voir quelque chose de plus optimiste certainement.


Pendant très longtemps ce film a été oublié. Rares étaient ceux qui jusqu’à fin 2013 l’avait vu. D’autant plus que les versions existantes à l’époque étaient difficiles à trouver, souvent de mauvaise qualité, avec des scènes manquantes.


Mais tel le phénix, Friedkin et Sorcerer vont renaître de leurs cendres en proposant une version restaurée du film, qui lui donne clairement un second (premier ?) souffle. La réussite est telle que cela peut presque faire croire à l’ultime film du maître (l’avant dernier étant du coup Killer Joe sorti en 2011 !).


C’est assez fou de voir l’évolution massive, sur ce site notamment, du nombre de personnes qui l'ont vu depuis cette date. Je me souviens l’avoir noté sur SC en avril 2015 et il ne devait y avoir que 800 notes environ. 1 an et demi après, il y a 2 200 notes (critique rédigée en novembre 2016). Donc en un peu plus d’un an, plus de personnes l’on vu qu’en pratiquement 40 ans ! Et cela va continuer à augmenter !


J’espère maintenant que ce sera la même chose pour To Live and Die in LA. Friedkin projetant aussi de sortir une version restaurée de cet autre chef d’œuvre. Peut-être qu’un jour, ce réalisateur sera aussi réputée par la masse que des Spielberg, Coppola ou Scorsese. Ce serait mérité.


ps : A voir pour ceux qui veulent en savoir encore plus sur Sorcerer et Friedkin, une conférence tenue par Jean-Baptiste Thoret, critique cinématographique spécialiste du Nouvel Hollywood.
https://www.youtube.com/watch?v=H-0W_fggyvA


A voir également, pour ceux qui ne l’on pas vu, l’original de Henri-George Clouzot, Le Salaire de la peur (qui est génialissime également).


Et pour finir, il faudrait définitivement abandonner le titre français (et l'affiche), Le Convoi de la peur, qui n'a plus lieu d'être. A ceux qui veulent signer la pétition pour que l'équipe de SC change ça !

Créée

le 19 mai 2015

Critique lue 382 fois

2 j'aime

Critique lue 382 fois

2

D'autres avis sur Le Convoi de la peur

Le Convoi de la peur
Gand-Alf
10

L'enfer vert.

Dédié au cinéaste Henri-Georges Clouzot, "Sorcerer" est en effet un remake de son film "Le salaire de la peur", ou plutôt une seconde adaptation du roman de Georges Arnaud. Souhaitant au départ...

le 18 janv. 2015

66 j'aime

Le Convoi de la peur
DjeeVanCleef
9

Le cas des espérés

À plat sur la toile, Roy promène son regard halluciné comme s'il voulait capturer les éclairs d'électricité qui dansent autour de lui. Je sentais que la fin du film approchait et j'aurais bien pu...

le 25 févr. 2016

54 j'aime

6

Le Convoi de la peur
ltschaffer
10

Voyage au bout du Styx

A l'occasion de la ressortie de Sorcerer par La Rabbia, j'en profite pour remettre à jour une ancienne critique de cette version restaurée, rédigée alors qu'elle avait été présentée à la Cinémathèque...

le 29 oct. 2012

54 j'aime

7

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
TheBirthOfANation
10

L'Harmonica, Franck et le Cheyenne

Sergio Leone a atteint le top de ce que peut faire un cinéaste en 1966 avec "Le Bon, la Brute et le Truand". Il récidive 2 ans plus tard avec le sublime "Il était une fois dans l'Ouest". Ce dernier...

le 5 janv. 2015

9 j'aime

2

Blade Runner
TheBirthOfANation
9

L’anti Star Wars (avec Harrison Ford pour le premier rôle !)

L’anti "Star Wars". Voilà comment je peux résumer en trois mots ma vision de "Blade Runner". Ce que je ressens c’est un gros pied de nez au cinéma de Lucas, un cinéma privilégiant l’action à la...

le 22 mars 2015

8 j'aime

Orange mécanique
TheBirthOfANation
10

Kubrick, le maître de la perspective

Orange Mécanique est un chef d'oeuvre dans tous les domaines. L'histoire basée sur la violence et son soit-disant remède miracle est très captivante. Mais ce qui rend Orange Mécanique unique est son...

le 21 janv. 2015

6 j'aime