C'est difficile de faire la critique d'un chef-d'oeuvre reconnu, d'ailleurs ça se voit, je prends mon temps, après Laura qui patientait depuis dix jours, voici la merveille de Clouzot que j'ai pourtant revue depuis presque un mois...
J'ai toujours l'impression que vous connaissez tous ces films, que vous en savez déjà tout ce que vous devriez et qu'il n'y a pas grand chose de neuf à raconter. Je pense aussi qu'en général ces films possèdent déjà toutes les critiques intéressantes nécessaires et qu'il est inutile de rajouter ma pierre à l'édifice.

Passé mon incorrigible optimisme, je suis forcé de constater que mon premier point ne tient pas la route et qu'il vous reste bien des merveilles à découvrir, heureux fripons ! Quand au second point, baste ! Qu'à cela ne tienne, cela m'évitera de vouloir trop en dire et je pourrais me concentrer sur un ou deux angles à ma convenance, au gré de mon humeur du jour.

Pour en revenir à la merveille en question il s'agit donc d'un film de Henri-Georges Clouzot, Le Corbeau, tourné en 1943, pendant l'occupation et sous l'égide de la Continental Films, c'est à dire, produit en partie par l'occupant dans un pays meurtri qui n'avait guère envie qu'on lui pose un miroir devant les yeux.
Inspiré d'un fait divers ayant atteint la ville de Tulle un quart de siècle plus tôt, il est frappant de voir combien le film traite d'un sujet à la fois universel, intemporel, et en même temps en plein accord avec son temps, époque bénie de la délation décomplexée.

Vous aurez bien sûr compris grâce à la nouvelle signification que le mot corbeau a pris depuis ce film qu'il s'agit ici d'une histoire de lettres anonymes.
Une petite ville de province s'enfonce en effet petit à petit dans l'horreur de la suspicion après qu'un mystérieux Corbeau se soit décidé à dénoncer tous les travers, mesquineries, hypocrisies et crimes de ses contemporains.

Et c'est beau de voir ainsi le vrai visage de ces compatriotes qui semble devoir traverser les époques sans prendre une ride.
Moi, quand je revois le Corbeau, quand la virtuosité du cinéaste s'apaise dans mon esprit, quand j'oublie qu'en admirant Fresnay j'admire la preuve disparue que les acteurs français aussi, à une autre époque, savaient jouer, quand je passe sur les réactions déchaînés des fanatiques de droite et de gauche qui haïrent ce film comme bien peu, quand la rare intelligence du film me laisse enfin, petit à petit revenir au monde, alors, je me retourne vers mon époque admirable, j'observe les réactions de mes congénères, les façons de faire ici et là, au travail dans la rue, sur internet, sur ce site, quand le confortable cocon de l'anonymat libère les plus bas instincts, et puis, bizarrement, j'ai le vertige.
Torpenn
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le 17 févr. 2012

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Torpenn

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