Après quelques comédies dramatiques, Gérard Oury s'essaye, avec "le Corniaud" pour la première fois, en 1965, à la comédie et c'est un triomphe.
Le triomphe, c'est d'abord le couple Bourvil – De Funès, absolument irrésistible. C'est la première fois qu'Oury les utilise dans un film mais ce n'est pas la première fois qu'ils jouent ensemble. Ils ont joué dans deux ou trois comédies dont l'extraordinaire "traversée de Paris".
On ne le sait pas toujours mais Bourvil avait déjà du succès depuis une bonne dizaine d'années et c'est lui qui a contribué à mettre le pied à l'étrier à de De Funès.
Pour revenir au film, le scénario est basé sur l'antinomie des deux personnages Antoine Maréchal et Léopold Saroyan. L'un est un être simple, heureux de vivre se contentant de ce qu'il a, éternel optimiste avec une bonne dose de naïveté. L'autre est une sorte de brasseur d'affaires plutôt louches, manipulateur, cynique, roublard.
Mais le scénario qui ne laisse pas grand-chose au hasard est un peu plus subtil que ça. En effet, le personnage de Bourvil va tranquillement évoluer au cours du film et va progressivement perdre de sa candeur tandis que le personnage de De Funès va peu à peu passer de l'image de grand bandit à un statut de petit malfrat dont on découvre que ses acolytes ne sont que des charlots, qui ne font pas peur à grand-monde.
Leur rencontre, qui est une scène cultissime avec Bourvil tenant encore son volant à la main et piétinant les tôles de sa 2CV, va être le point de départ d'une aventure où Bourvil doit ramener de Naples une Buick truffée de produits illicites sans que Bourvil en soit affranchi.
Le comique des situations et des personnages continue de fonctionner même après des dizaines de visionnages et encore aujourd'hui car le jeu des deux acteurs reste simple et conforme aux stéréotypes définis dès le départ.
Avec une inversion très intéressante lorsque Bourvil, excédé par un petit garagiste caché par un masque de soudure (en fait, De Funès) qui n'a l'air de rien comprendre, va glisser un petit bifton sous le masque et conclure : "c'est un pauvre type, c'est un corniaud …"
C'est assez étonnant de voir qu'une grande partie du comique repose sur l'auto-dérision que ces deux acteurs montrent. Bourvil sait parfaitement qu'il n'a rien du french lover mais le contexte fait qu'il se plait à y croire et s'en amuse. La scène à l'hôtel à Rome avec le coiffeur jaloux et la manucure très séduisante est très révélatrice.
Quant à De Funès, la scène dans le camping où il tente en vain de faire rouler ses muscles comme le bel éphèbe qui prend sa douche en même temps est très amusante car De Funès n'hésite pas à se moquer de lui-même et n'hésite pas à jouer de son physique.
Par ailleurs, le film est monté comme un road-movie qui nous amène de belles photos du Colisée ou du Chateau Saint-Ange à Rome, à Pise ou les remparts de Carcassonne.