Il m’importe peu qu’une femme ait les seins comme des magnolias ou comme des figues desséchées, qu’elle ait une peau de pêche ou de papier de verre.
Ça n’a aucune importance si elle se réveille le matin avec une haleine aphrodisiaque ou une haleine d’insecticide. Je suis parfaitement capable de tolérer un nez qui gagnerait le 1er prix à une exposition de carottes.
Mais s’il y a une chose avec laquelle je suis intransigeant que je ne pardonne sous aucun prétexte, c’est qu’une femme ne sache pas voler. Si elle ne sait pas voler, elle perd son temps avec moi.
Introduction le côté obscur du coeur
C’est sur ces mots que commence le Côté obscur du cœur et on peut déjà y déceler l’absolutisme du personnage principal dans sa quête d’amour. Il souhaite trouver sienne pour pouvoir ensemble voler, non pas dérober mais échapper à l’habituelle pesanteur qui touche le commun des hommes et des femmes.
Eliseo Subiela réalise une œuvre très intime. Ce réalisateur a connu une enfance terne éduqué par un père émotionnellement peu démonstratif et une mère atteinte par d’intenses et régulières crises migraineuses. Supportant mal la réalité, le cinéma devint sa catharsis. Ainsi toutes ses œuvres sont marquées par un réalisme magique. Dans ses mondes, imaginaire, réalité, surnaturel sont étroitement liés.
Ce film conte l’histoire de Oliviero, poète au teint blafard, tout de noir vêtu ayant une allure à la fois négligée et élégante. Il ne vit que par l’art de la poésie. Ses mots enflamment les cœurs et attirent la chair. Il vit son existence en dilettante, monnayant ses talents auprès d’agences de publicité ou de quiconque prêt à écouter ses si hypnotisantes paroles. Sublimée par les mots ardents qui sortent de son cœur de poète, la mort elle-même est intriguée et séduite par cet être qu’elle ne peut ravir à la vie.
Oliviero exprime les sentiments et les passions avec véracité mais lui-même se refuse à vivre l’amour. Irresponsable et puéril, Il collectionne les conquêtes féminines jusqu’à ce qu’il rencontre Anna, insensible à sa verve passionnée et qui lui ravira le cœur.
C’est un film qui par ses scènes fantastiques, son intrigant thème musical et sa lumière pâle et bleutée dégage une atmosphère mystérieuse, irréelle. On n’y déclame pas une poésie snobinarde mais une poésie crue, qui peut être vulgaire tout en étant belle et profonde. La poésie des poètes argentins Oliverio Girondo et Mario Benedetti.
Subiela montre des personnes sensibles au bel usage des mots. Dans le métro, dans un bordel, dans une baraque à steak, la poésie est présente partout. Et il semble que cela dépasse le cadre de la fiction :
Ainsi le cinéma barcelonais Verdi diffusa ce film durant plusieurs années pour la sesión golfa (dernière séance) à 1h30 du matin.
Lorsque en 2001 le second volet du film fut réalisé, Subiela se rendit au Verdi en compagnie de Dario Grandinetti, l’interprète d’Oliviero et ils furent surpris de constater que la salle n’était pas désertée, emplie par de jeunes personnes ayant entre 20 et 25 ans.
En effet ce film, peu connu en France, possède une véritable aura dans les pays hispanophones et beaucoup considèrent qu’il est important de vivre cette expérience poético-cinématographique.
C’est dire à quel point il existe des personnes désireuses de connaitre les fascinants mystères du cœur.