Journal du Major Alan "Dutch" Schaefer :
Année 1987 - Saison chaude, Val Verde - Guatemala
Si seulement j’avais su …
Il y a quelques heures, j’étais dans un hélicoptère, appréciant les volutes de fumée de mon havane. J’étais envahi par un familier frisson, mélange d’euphorie et d’appréhension, que je ressens avant chaque mission.
Le gouvernement américain m’a mandaté avec mes hommes afin de secourir un ministre guatémaltèque et son secrétaire enlevés par des guérilleros. Dans mon équipe, Il y avait Poncho, polyglotte d’origine mexicaine. Hawkins et son humour aussi discret qu’un manifeste communiste dans le bureau ovale, Billy un indien au caractère impénétrable avec un étonnant sens de l’anticipation.
Enfin Mac et Blain, 2 vétérans du Vietnam, uniques survivants de leur régiment. Les meilleurs amis du monde, bien que des rumeurs affirment qu’ils seraient bien plus que des amis …
Dillon, un vieux compagnon d’arme nous a rejoints. Il travaille maintenant pour le compte de la CIA et ces gens là sont des fanatiques du contrôle.
Nous nous sommes mis en route vers notre objectif. Ah ! Je l’aime et je la déteste cette explosion végétale qu’est la jungle. C’est une compagne douce et amère. A la fois belle et terrible, elle s’amuse à nous faire peur. Cela me rappelle le Vietnam : même atmosphère moite, même exhalation de feuilles mortes et entrelacements de racines similaires à des pythons.
C’est en nous dirigeant vers le camp des guérilleros que Billy découvrit une chose qui suscita en nous un indescriptible sentiment d’horreur : des corps dépecés dégageant une odeur putride, dévorés par des oiseaux charognards.
C’était une vision au-delà de la barbarie, au-delà de l’atroce. Qui donc avait pu commettre un tel acte ? S’agirait-il du « demonio cazador de hombres » ? Oui, il ne pouvait s’agir que de cette horrible créature communément appelée PREDATOR !
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Ah PREDATOR ! Ma madeleine de Proust stéroïdée ! Je voue un véritable culte à ce film des années 80, âge béni des films d’action gonflés à la testostérone. Je l’ai revu il y a peu de temps et franchement ce film a sacrément bien vieilli grâce à une réalisation menée avec maestria et un scénario bien cohérent.
A la réalisation, John McTiernan, grand spécialiste du genre qui réalisera par la suite Piège de cristal, Une journée en enfer et Last action hero. A la bande son, Alan Silvestri, grand collaborateur de Robert Zemeckis (L’ambiance sonore de Retour vers le futur ou de Forrest Gump, c’est lui !). Il a réussit à créer une sacrée ambiance « inquiéto-épique » avec de temps en temps des percussions tribales qui renforce l’atmosphère « Jungle mystérieuse et sauvage ».
Mctiernan n’est pas un réalisateur hypocrite. Avec lui tout amateur d’action en a pour son argent, il pousse le levier divertissement à son maximum. Ça canarde, ça explose, ça hurle ! Amateurs de réalisme, passez votre chemin !
Le doublage français donne un petit charme série B, mais la version originale est quand même bien plus percutante niveau réplique. Le meilleur exemple c’est quand on fait remarquer à Blain qu’il est blessé. Sa réponse en français : « Une goutte de sang ça me gêne pas ! » et en anglais « i ain't got time to bleed » ! Franchement, même Chuck Norris n’a jamais dit qu’il n’avait pas le temps de saigner !
La construction du film a du sens : dans un 1er temps, Dutch et son équipe sont élevés au statut de héros, notamment avec la scène de l’attaque du camp des guérilleros : 5 min de pur bonheur ! Ca tire de partout, explosions à gogo, Répliques de Feu (Aiguise-moi ça !). Score final : Equipe Dutch 100 morts – Guerrilleros 1 cicatrice.
Puis c’est l’écroulement de cette image de surhommes : ils étaient les prédateurs, ils étaient invincibles. Ils sont maintenant surpassés par un adversaire fin stratège et bien équipé. Leur impuissance s’illustre par une grosse séance de tir dans la jungle qui donnerait des vertiges à Yann Arthus Bertrand. Et pour finir, arrive le climax du film : le combat final entre Dutch et l’alien !
A première vue, PREDATOR c’est de la testostérone dégoulinante et un scénario qui tient sur 5 lignes. Ça peut paraître vrai mais n’en déplaise à certains, ce film est bien plus profond et subtil qu’il n’y parait :
Ainsi il y a un véritable questionnement sur la nature humaine. En quoi les hommes sont ils différents du monstrueux alien ? Quand nous estimons que notre survie est en jeu, ne devenons nous pas des monstres ?
On peut aussi voir une réflexion sur le rapport entre nature et technologie. Pour vaincre l’alien, Dutch doit retourner à un état bestial et faire usage des éléments naturels à sa portée (bon il utilise quand même quelques flèches explosives !). Ce retour à un état primitif s’illustre par un cri de défi animal. Ce cri c’est l’humanité qui défend son territoire, qui refuse d’être dominée par une autre espèce.
PREDATOR est un vestige d’un cinéma pop corn à l’ancienne et un bon souvenir de jeunesse. Il faut lui rendre ses lettres de noblesse. Je sais bien que je ne suis absolument pas objectif et que certains trouveront mes réflexions sur la subtilité du film complètement bidons, mais bordel ! Je m’en fous et puis ça fait du bien de temps en temps de retrouver des yeux d’ados. Un classique ! Un monument !