Le Crabe-tambour est un film qui prend son temps. Pour définir ses personnages, dessiner son intrigue, raconter son histoire. Le Crabe-tambour c'est une mélancolie, celle de militaires passés par les conflits de la décolonisation : Indochine, Algérie...
Oui, le Crabe-tambour est un film militariste, oui, le Crabe-tambour est un film qui dit la douleur de la perte des colonies et de la défaite et pour ces raisons, il est décrié par certains dont je ne suis pas. Le Crabe-tambour dit tout cela mais l'Histoire dit le reste et les deux ne sont pas incompatibles.
D'autant que le Crabe-tambour, s'intéresse bien plus aux hommes qu'aux événements. Si l'Indochine, le putsch des généraux ou l'enrôlement des Alsaciens dans l'armée allemande pendant la Seconde Guerre Mondiale sont évoqués, ce n'est que pour contextualiser le destin d'un trio et les décisions qui font qu'un homme choisit un bien ou un autre bien. Alors si certains s'arrêteront à un esprit militariste et colonialiste, je ne suis pas de ceux là et, d'une certaine manière, je les plains un peu, parce que c'est se priver d'un monument.
Finalement, Schoendoerffer filme surtout des hommes sur des bateaux. A l'économie. En faisant confiance à ses comédiens et à son directeur de la photographie, Raoul Coutard. Et, chose rare aujourd’hui, en ayant foi dans le spectateur. Contrairement au cinéma actuel qui montre tout, dit tout, explique tout jusqu'à l’écœurement, Schoendoerffer compte sur l'alchimie entre ses images, le jeu des comédiens, le texte et la sensibilité du spectateur pour, montrer tout ce qu'il ne montre pas, dire tout ce qu'il ne dit pas, expliquer tout ce qu'il n'explique pas...
En résulte un film grave, un film sérieux. Un beau film porté par un trio vibrant et des seconds rôles dont Jacques Dufilho fait office de sublime figure de proue.
“On passe sa vie à dire adieu à ceux qui partent, jusqu'au jour où l'on dit adieu à ceux qui restent.”
Véra de Talleyrand-Périgord