Les souvenirs des années passées à la marine nationale défilent dans la tête d’un commandant : époques, lieux, personnes se succèdent avec la brièveté et la durée de la mémoire sensible. Au milieu de ce fatras narratif formé de micro-récits, l’histoire du lieutenant, personnage quasi mythique, homme essentiellement libre, à la destinée hautement romanesque, à qui le commandant n’a pas tenu parole par respect de la hiérarchie, comme fil conducteur.
Y-a-t-il toutefois un récit digne de ce nom dans Le crabe-tambour, adaptation du roman éponyme écrit par le même Pierre Schoendoerffer ? Celui-ci y glisse surtout ses propres expériences et souvenirs d’ancien matelot, de cinéaste de guerre et de photographe en Indochine, inventant des personnages à partir de cette mémoire, y mêlant des événements historiques, rajoutant des scènes presque documentaires. Parfois marquante et fruit d’une mémoire traumatisée, parfois contemplative et fille d’une longue immersion sensible durant de longues traversées en mer, l’image tangue entre action et passivité, conversations nourries et silence recueilli, terre et mer, cabine intérieure et paysages exotiques, alcool et soleil, mélancolie et héroïsme guerrier. Des questions philosophiques y sont posées, sans vraiment savoir quel sens leur donner ni comment les intégrer au récit principal : la présence d’un Dieu avec ces récits bretons hallucinés, la mystique parabole des talents, la recherche de l’autre et la non-rencontre.
Un film qui donne le mal de mer.