L’inquiétude du passage au deuxième film a peut-être provoqué quelques angoisses en termes d’inspiration pour Dupontel, motivant cette intrigue dans laquelle un dramaturge à succès affronte la page blanche et doit écrire une pièce attendue dans l’urgence par toute une équipe et un public fébrile.
On retrouvera le goût pour le macabre qui faisait la saveur si singulière de Bernie, que ce soit dans la maltraitance animale, l’humour noir, les morts en cascade, l’auteur se convaincant qu’il doit tuer pour débloquer sa prose. La surenchère est plaisante, et le protagoniste s’épanouit à mesure qu’il s’autorise le pire, la coda étant atteinte dans une scène qu’on ne pourrait probablement plus proposer aujourd’hui, à savoir le massacre de clients d’une crêperie (parce « C’est con, un breton, ça sert à rien »), inauguré par un « Kenavo les bouseux ! » d’anthologie.
Mais ce deuxième essai est aussi l’occasion pour Dupontel d’affiner son style et de multiplier les expériences visuelles, un trait qu’on retrouvera par la suite dans tous ses films. Le jeu avec les points de vue lui donne ainsi la fantaisie de donner à voir l’image depuis un chat (en noir et blanc), un écran d’ordinateur, voire la roue d’un canon… au point que le cadre par lequel commence une séquence finit par susciter une méfiance et une attente du spectateur, puisqu’il peut se révéler être un miroir ou la surface d’eau à l’intérieur d’un verre dans lequel on verse des goûtes, par exemple.
Dans ce récit dédié à l’écriture et aux attentes conventionnelles de la profession (décorateurs, metteur en scène, comédiens, accessoiristes…), Dupontel ciselle la sienne en accentuant son goût pour ce paradoxe mêlant inspiration féconde et destruction inventive. La transgression narrative d’un Vuillermoz s’adressant directement au spectateur, tout en fiel et en critique, les chants d’un troubadour SDF préparent ainsi un casting au meurtre pour des gens supposément malheureux, tandis que l’anesthésie croissante du demiurge ménage une nouvelle fuite en avant, à l’image de celle de Bernie, où l’histoire est en réalité inventée par un protagoniste en déconnexion croissante avec le monde.
Si la satire du milieu théâtral est assez amusante, avec une comédienne (Claude Perron, fidèle de Dupontel, et toujours aussi géniale) prête à tout pour briller sous le feu des projecteurs, et que la famille, une fois encore, en prend pour son grade (une mère dévorante et un frère curé psychopathe), le récit reste un peu embarrassé par sa destination, ne sachant trop comment conclure. Si les impasses finales laissent un goût d’inachevé, elles renvoient cependant avec malice aux difficultés rencontrées par un protagoniste, et à l’imaginaire débordant d’un cinéaste qui aura encore bien des idées à revendre.
(6.5/10)