Ah ça, c'est sûr, en 1934, il fallait plus qu'un bug d'un poste de contrôle SNCF ou une grève cgtiste pour perturber le trafic ferroviaire ! C'est que c'était mieux avant... Comme d'hab' ma pauv' dame !
Le Crime de l'Orient-Express et son détective vedette, Hercule Poirot, pour sûr, tout le monde connait. Faudrait le faire exprès pour ne pas être tombé sur le bouquin, le film précédent ou encore la série télé avec David Suchet, LE Poirot par excellence, comme l'immortel Jeremy Brett sera à jamais Sherlock Holmes... C'est que cela ne nous rajeunit pas. Misère.
Aujourd'hui, c'est Kenneth Branagh le chef de gare de cette nouvelle adaptation, parée d'un décor assez classieux et cossu, d'un casting quatre étoiles et du savoir faire du réalisateur qui ravira les pupilles de son public par son art de l'image léchée, du plan séquence classe et de la vignette en trompe-l'oeil signifiante.
Le Crime de l'Orient-Express s'impose clairement comme un film de commande dont il reprend l'ensemble de la cartographie : péripéties absentes du bouquin (de mémoire) du côté du mur des lamentations, histoire de l'étoffer, aération du huis-clos, casting maousse et dessin dans les ultimes secondes d'une suite tout aussi évidente qu'inévitable. Mais le film distrait de très bonne manière, n'ennuie jamais et offre à certains rôles le temps nécessaire pour briller. Le Crime de l'Orient-Express ne réinvente à aucun moment le cinéma, c'est sûr, mais il offre un spectacle de très bonne tenue, plaisant et agréable, suscitant l'abandon nécessaire et l'envie, malgré le fait de connaître l'intrigue par coeur, d'accompagner le détective belge jusqu'au bout de son aventure.
Pris de manière isolée, ainsi, sans référence ou comparaison malheureuse ou passéiste, Le Crime de l'Orient-Express vaut largement le coup d'oeil dans cette fin d'année cinéphile.
Cependant, le film n'est pas parfait, il faut l'avouer. Car Behind a entendu hurler de manière distincte certains gardiens du temple au cours de la séance. Et ces derniers auront parfois raison, malheureusement. Ils diront sans doute que Branagh n'arrive pas à la cheville de Lumet. Qu'ils s'économisent donc deux heures de leur temps en s'épargnant la séance, cela vaudra mieux, à l'évidence. Il est certain aussi que des parties entières du bouquin ont été sabrés, tellement certaines connexions dans le raisonnement de Poirot ne tombent pas forcément sous le sens. Oui. C'est un fait. Mais qui est loin de remettre en cause le plaisir procuré et répond à la nécessité de tout faire tenir en une heure cinquante quatre.
Non, le défaut du film résidera plutôt, de manière étonnante, dans sa figure de proue. Car Hercule Poirot pourra apparaître omniprésent, au détriment de l'ensemble de ses suspects, dont certains seront carrément rejetés au second plan, malgré le charisme de leur interprète, Willem Dafoe en tête. Mais surtout, et là, le bruit des dents qui grincent pourra être légitime, c'est le fait d'avoir totalement castré le caractère du limier, qui ne sera souligné le temps que de quelques menues obsessions. Alors que Poirot, à l'origine, est pour le moins imbuvable, imbu de lui-même, prétentieux, exécrable et d'une épuisante maniaquerie. Le Crime de l'Orient-Express en ferait presque un personnage assez sympa sous les traits de l'ami Kenneth, tandis qu'il prête au discours des dernières minutes un ton étrangement moralisateur, cependant rattrapé par certains tableaux christiques qui pourront apparaître hors sujet mais qui suscitent une curiosité que l'on n'attendait pas.
Te voilà prévenu, cher abonné : passe ton chemin si tu révères l'aventure ou son personnage, car ta passion ne te permettra sans doute pas d'apprécier à sa juste valeur Le Crime de l'Orient-Express version 2017, agréable mais imparfait, ne trahissant pas l'oeuvre mais capable de raccourcis et de légèretés qui pourront faire tiquer.
Le masqué pourra apparaître, décidément, comme (très) bon public.
Behind_the_Mask, qui a vu rouge (sang) lors de la dernière grève SNCF.