Une adaptation n'a pas vocation a bêtement recopier le texte et le transposer en image mais à adapter l'histoire, son essence et ses points marquant à un autre média.
Dans le livre ce qui est surtout intéressant, c'est le problème logique posé par ce meurtre qui ne semble pas avoir de sens: trop de gens liés au meurtre qui ont pourtant tous des alibis solides et trop de pistes partant en tout sens.
Dans le livre Hercule Poirot attaque l'affaire comme un problème de pure logique et c'est la solution en elle même qui est intéressante.
La psychologie y a sa place pour déterminer qui est le meurtrier.
Or de nos jours beaucoup de monde connais la solution du crime de l'orient express, ça ne sera pas une surprise pour une partie du publique et l'effet suscité perdra beaucoup de son spectaculaire.
Pour en faire un film attirant il faut donc l'aborder sous un autre angle, ce qui est fait avec brio.
On ressent avec plus d'emphase et de sensibilité, le meurtre atroce de la petite Daisy Armtrong, la question de la justice et de la moralité y tiens un rôle bien plus central. Pour chaque personnage est posé ce dilemme.
On arrête un meurtrier non seulement pour porter justice à sa victime mais aussi pour qu'il ne soit plus en mesure de tuer quelqu'un d'autre.
**"""Spoiler**
Or ici, la victime est justement un meurtrier, que la justice a échoué à condamner. S'il avait été jugé honnêtement, il aurait très certainement été condamné à mort. Au lieu de ça le meurtrier de la petite fille vivait dans le confort et l'opulence, alors que les autres protagonistes de ce drame sont morts ou ont vu leur vie complètement détruite.
N'est ce pas alors justice qu'il soit mort pour ce crime ?
Les meurtriers sont ici de braves gens qui n'ont été poussé à ce crime que par l'extrême atrocité de ce qui leur est arrivé.
Il y a peu de chance qu'aucun d'eux face du mal à qui que ce soit par la suite.
Comme le sert à montrer la scène finale de la confrontation et du revolver, ces gens ne sont pas des tueurs, ils refusent de commettre un autre meurtre pour dissimuler le premier.
La question se pose alors, Hercule Poirot peut il légitimement les condamner pour cela?
""" Fin du spoiler .
Le dilemme moral est très bien retranscrit, Hercule Poirot est un personnage d'un profonde justice, que faire dans ce cas ?
Mais parlons un peu de l'adaptation du détective, qui a pu poser question.
C'est vrai que le film a cédé à une approche plus attirante du personnage qui poursuit les meurtriers et monte sur les toits. Ce qui ressemble assez peut au personnage c'est vrai, mais ce n'est là que pour rendre le film plus dynamique.
Personnellement, c'est un défaut que je passe facilement.
Parce que toute l'essence du personnage est respecté.
Hercule Poirot est un homme profondément habité par la justice et l'équilibre.
Le monde ne résonne jamais mieux à ses oreilles que lorsqu'il est en parfaite harmonie d'où son gout excessif pour la symétrie, qui n'est pas visible seulement dans la scène avec les œufs mais qui se voit dans une quantité de minuscules détails.
Lorsqu'il marche dans une crotte, il se sent obligé d'égaliser de l'autre pied, le chiffre 3 de son compartiment ne lui plait pas parce qu'il n'est pas paire et donc pas en équilibre, ou même le soin extrême qu'il apporte à son aspect esthétique, la propreté impeccable de ce qu'il porte ou cette incroyable moustache.
C'est cet amour du parfait équilibre qui lui fait remarquer les plus infime détails et fait de lui un si grand détective.
Poirot est un amoureux de la vie qui n'est pas non plus dissociable d'une certaine part de ridicule. C'est un petit personnage excentrique, à l'accent amusant que tous le monde catalogue vite dans la case "étranger" sans s'en méfier.
Ensuite c'est un personnage orgueilleux, limite vaniteux. Il a une confiance absolue en ses capacités intellectuelles et en son don d'observation. Il a pleinement conscience qu'il constitue une exception dans le monde humain qu'il habite, cela fait sa fierté et il ne s'en cache pas, pourquoi aurait-il a le faire?
Il n'hésite pas à le dire " Je suis le plus grand détective du monde".
Enfin, il comprend profondément ses contemporains, dans tout ce qu"ils peuvent avoir de splendide et de pathétique. La psychologie est la base de son travail et c'est la compréhension des conflits de conscience, des tiraillements de l'âme qui font de lui le plus habile détective du monde.
Comme s'il voyait dans les cœurs, comme s'il pouvait sonder les âme.
Mais surtout c'est un personnage d'une profonde droiture morale,lorsque Mr Bouc le directeur du train lui laisse entendre que sans lui, un innocent pourrait bien être condamné à mort, l'idée lui est insupportable. Il est le défenseur de la justice.
Ridicule, exaspérant, mais profondément touchant et juste, c'est un personnage humain par ce qu'il comprends.
Il est l'agent de la justice, impartial et droit, mais il comprends.
Le film respect le personnage, quand bien même il a accentué certain traits de caractère pour le rendre plus spectaculaire.
La sensation est la même, c'est bien l'un des plus grand personnage qu'Agatha Christie ait crée que nous suivons.