A en lire certains, sur le site comme ailleurs, l'épithète "classique" semble être réservé aujourd'hui aux films d'épouvante que l'on veut disqualifier pour leur absence d'innovation. Vous remarquerez que ce sont parfois les mêmes qui vous sortent que les oeuvres modernes du genre (lire : "remplies de jump scares", "Wan et ses trucs déjà ringards", ou encore "méthode BlumHouse") ne sont bonnes qu'à jeter au chien.
Faudrait parfois savoir ce que l'on veut.
Car Le Croque-Mitaine, même s'il n'est pas issu de la "formidâââble" production A24, est quasi totalement dépourvu de l'ensemble des procédés caca qui font salement grincer des dents les puristes, comme il ne tournera jamais au grand barnum de bruit et de fureur qui nous lacère les tympans pour être sûr d'au moins nous clouer au fauteuil à défaut de faire vraiment peur.
Oui, le film ne révolutionnera jamais le genre. Mais en a-t-il seulement eu l'ambition ?
Oui, le film embrasse des thématiques déjà vues ailleurs. Et alors ? Cela devrait-il nécessairement rimer avec ennui ?
Car on sent Rob Savage occuper la place de parfait artisan de la peur derrière la caméra, soucieux avant tout d'installer une ambiance délétère par petites touches et de faire évoluer des personnages auxquels le spectateur est apte à s'attacher.
Il n'y a rien ne neuf, rien de foncièrement démentiel, mais il ressort du film un profond respect du genre. Et ce n'est pas parce que Savage utilise des outils et des figures qui ont fait leurs preuves que Le Croque-Mitaine doit automatiquement être regardé comme un film faible et indigne d'intérêt.
De la même manière, qualifier de lent ou minimaliste un film qui installe une atmosphère et un (léger) propos aura de quoi interroger, surtout en des temps où l'on porte aux nues un truc comme Barbares où, pourtant, le marketing le dispute à l'invraisemblance et au ridicule d'un final totalement à la ramasse.
Et si le film n'utilise la nouvelle de Stephen King que comme marche-pied, selon certains, c'est pour en donner une suite possible, ouvrir la porte à un univers, donner du poids à ce dialogue qui la constitue, et faire passer l'idée que le Billings du film infecte de son trouble tout ce qu'il touche. Pour s'intéresser aussi à l'enfance en souffrance face au deuil. Pour la confronter à des adultes qui peinent à communiquer et à faire face à leurs failles et leurs faiblesses.
Le monstre, lui, aura le bon goût de rester longtemps dans l'ombre, jouant sur l'imagination et l'appréhension du spectateur, avant de se dévoiler en vue du final, aussi fragile d'allure que sauvage et sans pitié. La créature apparaît immémoriale, dessinée par des flashes de lumière fugace et des bruits sourds ou mimétiques. Faisant croire par instant que la maison familiale est hantée.
Un tel retour aux sources et quelques bonnes idées comme celles-ci mettent en relief la sobriété salvatrice d'une oeuvre réussie et solide, qui ménagera quelques jolis moments de frousse et que l'on aurait tort de qualifier de "petite".
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