Parler de claque cinématographique pour décrire ce film serait un euphémisme honteux. J'avais pourtant été bien préparé à travers les multiples critiques élogieuses qui foisonnent sur le site. Mais le propre du chef d’œuvre, celui qui vous dépasse et vous fait sentir tout petit, c'est qu'il n'est pas possible de le décrire. La langue française se fait tristement pauvre à l'heure de transcrire les émotions suscitées par cette grandiloquente toile cinématographique.

Visuellement, puisqu'il faut compartimenter l'étude, le film est une merveille. Ouvertement inspirées des tableaux de Rembrandt, Van Dyck, Rubens et consorts, de nombreuses scènes se présentent comme d'incroyables tableaux vivants. Greenaway parvient à tirer la quintessence hypnotique de la peinture et à lui donner vie pour un résultat diablement convaincant.

L'immobilisme narratif qu'un tel parti pris visuel pouvait faire craindre est subtilement évité par une construction théâtrale, en particulier lors de la première moitié du film. L'action se déroule essentiellement au sein du restaurant, lui-même divisé en quatre lieux. Chacun d'entre eux est clairement identifié par une ambiance bien particulière, parfaite alchimie entre musique et couleur. Le spectateur subjugué ne cesse d'être traîné de l'un à l'autre par d'incroyables travellings. Bluffant.

Devant une telle débauche artistique, l'indigestion était évidemment un risque. Mais il n'en est rien et Greenaway démontre à nouveau un sens de la mesure proprement effarant. Sachant doser ses ingrédients à la perfection, il livre, à la manière des plus grands chefs, un met exquis et délicat.
Il évite également l'écueil de l'ennui qui aurait pu poindre en permettant, magie du cinéma, à ses personnages de s'extraire du carcan mis en place de prime abord et nous rappelle, s'il en était besoin, qu'il ne s'agit pas d'une pièce de théâtre.

Le choix des acteurs est lui aussi parfait. Chacun d'entre eux livre une performance sans accroc, y compris les seconds rôles. La palme revient pour moi à Richard Bohringer et à son démentiel accent français. Helen Mirren est splendide, touchante et merveilleusement humaine au milieu de cette orgie animale. Michael Gambon pour sa part nous offre un jeu inspiré et physique, très théâtrale au demeurant. Et puis il y a Tim Roth, incroyable second rôle ! Et cætera, et cætera.

Greenaway est parvenu avec ce film à conjuguer les meilleures aspects du cinéma, du théâtre, de la peinture et même à y introduire un peu d'opéra. Un coup de maître, inimitable et si finement dosé qu'il semble impossible de reproduire l'exploit.
-IgoR-
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le 2 févr. 2014

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