Le signe du King

Le défi qu'avait à relever Henry King en 1942 était important car sa maison de production voulait répondre au fameux "Aigle des mers" de Michael Curtiz sorti en 1940 avec Errol Flynn.

Le scénario est une variante simplifiée du film de Curtiz. Sans la connotation politique et patriotique du film de Curtiz. Ici, on se contente de faire allusion à la décision royale de Grande Bretagne d'amnistier le pirate Morgan s'il accepte de lutter contre la piraterie dans les caraïbes. Morgan (Laird Cregar) devient gouverneur de la Jamaïque au grand dam de l'aristocratie locale qui se met à comploter avec un pirate renégat Leech (Georges Sanders) pour décrédibiliser Morgan et son équipe.

Et Tyrone Power, que vient-il faire dans cette galère ? Il joue le rôle d'un adjoint de Morgan qui a ordre de capturer l'insaisissable Leech mais devra composer avec lui et aussi, Lady Margaret (Maureen O'hara), fille de l'ancien gouverneur de la Jamaïque dont il est tombé amoureux et qu'il tente de séduire.

La mise en scène de Henry King oppose bien les caractères raffinés des anciens maîtres de la Jamaïque aux rustres anciens pirates qui sont désormais au pouvoir. D'ailleurs, il suffit de voir les invraisemblables perruques et costumes de Laird Cregar qui lui donnent un aspect un peu ridicule et surtout nouveau riche. Il en est de même de Tyrone Power qui utilise la manière forte et discourtoise pour séduire Maureen O'Hara, un peu comme il ferait s'il avait à négocier l'achat de bétail. On ne s'étonnera pas de la réponse volcanique de cette dernière peu habituée à ces manières de rustre. Je dois dire qu'elle aura quand même du mérite à finir par se laisser séduire par ce macho…

Toujours dans la mise en perspective avec le film de Curtiz, si Maureen O'Hara amène ici sa forte personnalité, sa grande beauté et donc une sérieuse plus-value, je suis bien obligé de reconnaître que Tyrone Power, même s'il joue parfaitement son rôle, n'a pas le charisme d'Errol Flynn.

Georges Sanders interprète le rôle du pirate renégat Leech et est méconnaissable en barbu rouquin hirsute et fort en gueule. On est assez loin de ses rôles de dandy londonien flegmatique … Parions qu'il a dû bien s'amuser dans son rôle !

Il y a aussi Anthony Quinn dans un petit rôle de lieutenant de Leech, borgne comme il se doit pour un bon pirate.

Henry King profite d'un superbe technicolor qui met bien en valeur les décors et les costumes. En particulier celui, rouge et noir de Tyrone Power. La photographie du film (très bien remastérisé) est très belle. Comme dans tout film de pirate qui se respecte, on a droit à des bagarres, des duels, des mises à sac, des batailles navales ; on peut toutefois déplorer que le film soit aussi court (82 minutes) nous frustrant un peu de ce qu'il advient des traitres et du retour à la normale.

Pour conclure, "le cygne noir", malgré ses indéniables qualités de mise en scène, de photographie et de casting, est en retrait par rapport à l'ample et passionnant "Aigle des mers". De toute façon, tout étant comparable entre les deux films, la portée politico-historique du film de Curtiz lui donnait d'office un avantage.

Ça n'a pas empêché "le cygne noir" de connaître un grand succès auprès du public.