Quand on propose à Umberto Lenzi de donner une suite à Roma a mano armata en remettant en scène Maurizio Merli et Tomas Milian, le réalisateur est circonspect. Lors du précédent tournage, les deux hommes en sont venus aux mains et refusent catégoriquement d’être de nouveau associés. Avec ses scénaristes habituels, il élabore par conséquent un récit plus précis qu’à l’accoutumée qui évite soigneusement la rencontre des deux acteurs devant la caméra. Seul le final les réunit mais Umberto Lenzi parvient, en utilisant des doublures, à les faire jouer l’un après l’autre. Voilà donc la difficulté contournée et Leonardo Tanzi, le personnage de Maurizio Merli, peut reprendre du service même s’il a, entre-temps, fait le choix de quitter la police pour devenir écrivain. Toujours est-il que le résultat souffre, à l’évidence, de cette impossibilité de faire jouer les deux acteurs ensemble en nous montrant, en parallèle, leur parcours dans cette intrigue intelligemment menée.

Dans la peau de Luigi Maietto dit « le Chinois », Tomas Milian nous rejoue un succédané du « Bossu » mais le rôle, à défaut d’être moins iconique, est bien plus réaliste. Pris entre son désir de vengeance du commissaire Tanzi et sa volonté d’être calife à la place du calife en voulant doubler le truand interprété par John Saxon, il déroule ses tics et habituelles grimaces qui définissent son personnage mais il ne dispose que très peu de scènes lui permettant d’en développer d’autres aspects, ce qui est évidemment dommageable. Celui de John Saxon, quant à lui, est trop régulièrement relégué au second rang pour être plus marquant même si son personnage est d’une belle cruauté. Son jeu tout en sobriété se confronte régulièrement à celui du Cubain, et on comprend bien que ces face-à-face ne sont, en réalité, destinés qu’à combler ceux qui ne peuvent être tournés avec les deux vedettes. C’est bien dommage que le rôle de l’acteur américain ne soit pas davantage approfondi.

Contrairement à son habitude, même s’il ne répugne toujours pas à certaines ellipses qui rendent parfois le récit délicat à suivre (notamment l’emprisonnement du personnage de Frank Di Maggio qu’on peine à expliquer), Umberto Lenzi laisse plus d’espace à l’histoire et aux scènes dialoguées, ne sacrifiant donc pas tout à l’action. Les scènes de fusillades et de course-poursuite sont ainsi réduites à peau de chagrin même si la remarquables musique de Franco Micalizzi permet, à de multiples reprises, de donner un rythme artificiel à l’ensemble. Le réalisateur préfère soigner des séquences qui semblent sorties tout droit du film noir américain ou du cinéma de Jean-Pierre Melville, à l’image d’un casse qui est soigneusement décrit. Ce choix de mise en scène n’empêche pas plusieurs séquences particulièrement sadiques, à l’image de celle où le personnage de John Saxon joue au golf face à un de ses hommes qui l’a trahi. On aurait également aimé que Tomas Milian ait ses accès de violence plutôt que d’inlassablement réciter son air malicieux, mais le trio qui officie à l’écriture a aussi cette bonne idée de ne pas répéter à l’identique Milano odia : la polizia non puo sparare (1974) ou Roma a mano armata (1976). Le personnage du « Chinois » n’est pas un psychopathe et l’aspect social est beaucoup moins marqué. Le résultat s’écarte donc des précédentes réalisations d’Umberto Lenzi et on peut apprécier un style bien mieux maîtrisé et beaucoup moins foutraque.

Si le final est malheureusement rapidement expédié et pas forcément soigneusement exécuté (la faute aussi à cette impossibilité de faire se confronter Maurizio Merli et Tomas Milian), voilà un titre (inspiré, à dessein, de ceux de Sergio Leone) qui fait un pas de côté par rapport aux autres productions de cette année plutôt fertile. Rien que pour son joli trio d’acteurs et sa mise en scène plus élaborée qu’à l’accoutumée, il vaut assurément le coup d’œil.

Play-It-Again-Seb
6

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Liste et classement des films que j'ai vus ou revus en 2024

Créée

le 11 juil. 2024

Critique lue 27 fois

4 j'aime

1 commentaire

PIAS

Écrit par

Critique lue 27 fois

4
1

D'autres avis sur Le Cynique, l'Infâme, le Violent

Le Cynique, l'Infâme, le Violent
Play-It-Again-Seb
6

Le trio infernal

Quand on propose à Umberto Lenzi de donner une suite à Roma a mano armata en remettant en scène Maurizio Merli et Tomas Milian, le réalisateur est circonspect. Lors du précédent tournage, les deux...

Par

le 11 juil. 2024

4 j'aime

1

Le Cynique, l'Infâme, le Violent
Fatpooper
5

Ils ne sont pas faits pour s'entendre

Je crois que c'est suite à l'émission "Le Bistrot de l'horreur" que j'ai chopé ce film. Je me souviens qu'ils en ont parlé avec un certain enthousiasme, tout en reconnaissant des maladresses...

le 11 déc. 2020

2 j'aime

2

Le Cynique, l'Infâme, le Violent
Jean-Mariage
6

Bonne série B

Bonne série B dans le genre « eurocrime », réalisée avec beaucoup de maîtrise et de punch par Umberto Lenzi. Excellente copie Blu-ray et DVD chez The ecstasy of films, disponible à la médiathèque de...

le 8 mai 2019

1 j'aime

Du même critique

Astérix et le Griffon - Astérix, tome 39
Play-It-Again-Seb
7

Le retour de la griffe Goscinny-Uderzo

Depuis la reprise de la série par Ferry et Conrad, nos amis gaulois avaient une sacrée gueule de bois. La disparition de René Goscinny avait déjà très sérieusement entamé la qualité des albums même...

Par

le 22 oct. 2021

24 j'aime

23

L'Iris blanc - Astérix, tome 40
Play-It-Again-Seb
4

La philosophie sur le comptoir

Aïe, aïe, aïe... L'arrivée de Fabrice Caro en lieu et place de Jean-Yves Ferri qui venait, à mon sens, de signer son meilleur Astérix dans le texte, était pourtant annoncée comme une bonne nouvelle...

Par

le 14 nov. 2023

22 j'aime

22

L'Emmerdeur
Play-It-Again-Seb
9

Pignon, ce roi des emmerdeurs

Premier film mettant en scène François Pignon, L’Emmerdeur est déjà un aboutissement. Parfaitement construit, le scénario est concis, dynamique et toujours capable de créer de nouvelles péripéties...

Par

le 12 août 2022

22 j'aime

10