Georges est en crise. Quitté par sa copine, il investit toutes ses économies dans un blouson en daim, et part se perdre au fond des Pyrénées.
De ce point de départ, Quentin Dupieux tire sans conteste son meilleur film depuis "Rubber". Si depuis ce dernier son œuvre n'a cessé d'être intéressante, force était de constater qu'elle tournait de plus en plus à vide, jusqu'à un "Au poste !" relativement décevant. Le style était toujours là, l'absurde et le burlesque aussi, mais son discours sur la société du spectacle peinait à se renouveler.
Pourtant, rien de bien nouveau ici. "Le daim" propose une nouvelle fois une réflexion sur l'art et l'artiste, ici dépeint - comme dans "Sibyl" de Justine Triet - comme se nourrissant des autres à leur insu pour avancer son travail. En mentant à celle qui deviendra sa sidekick (notons ici qu'Adèle Haenel et Jean Dujardin sont en tout point parfaits), Georges va ainsi s'improviser réalisateur et affronter un nombre incalculable de difficultés sur la route de la réussite. Le discours dupieusien est ici habituel, entre défiance envers "ceux qui savent et jugent" et éloge de l'artiste en galérien.
A cette réflexion s'ajoute un autre thème (enfin, serait-on tenté de dire), à savoir un portrait d'homme en crise existentielle, n'ayant plus rien à perdre. Georges s'identifie au daim - l'animal - jusqu'à s'en revêtir de plus en plus d'atours, dans ce qu'il a de libre mais aussi d'infiniment fragile. Georges ment, Georges tâtonne, Georges improvise, et c'est ce qui le rend inexorablement attachant.
On ne s'attardera pas à analyser chaque scène du film, tant tout ici est signifiant. Et c'est ce qui impressionne peut-être le plus, cette minutie, cette absence totale de gratuité dans chaque séquence. Absolument tout se prête à l'analyse, tout est allégorie, tout est plus que ce qu'il paraît initialement. Les ingrédients qui font le sel du cinéma de Dupieux sont toujours là, au service d'un filmage peut-être jamais aussi stylé. Car s'il est beaucoup question du "style de malade" de Georges tout du long, reconnaissons surtout que c'est le film qui a un style de malade.