Il faut dire d’emblée que c’est un choc esthétique. Sans doute le plus beau film en couleurs réalisé par Renoir, qui utilise l’héritage impressionniste à son paroxysme. Impossible de ne pas songer aux toiles de son père ou à celles de Manet ou Monet (puisque après tout le titre reprend celui d’un de leurs tableaux) dans sa peinture sensuelle des corps et de la nature ainsi que ses parenthèses bucoliques. Impossible aussi de ne pas songer à Partie de campagne, autre morceau naturaliste qu’il réalise vingt ans plus tôt mais qui s’ouvrait à mesure sur la tragédie. Ce n’est plus le même Renoir, dans Le déjeuner sur l’herbe, il est plus doux, plus récréatif et c’est d’autant plus troublant que le film est réalisé entre deux autres (French Cancan et Le caporal épinglé) qui seront eux plus graves, retrouvant ici la verve mélodramatique et là, son aval résistant. On joue clairement sur le terrain de la fantaisie, avec ce biologiste défenseur de la fécondation artificielle qui fera la rencontre de la belle Nénette (paysanne un poil exhibitionniste qui souhaite faire un enfant pour elle) après avoir été perturbé dans ses convictions lorsqu’un ermite accompagné de son bouc et sa flûte de pan envoie valser en tempête le petit pique-nique bourgeois (et du même coup le joli tableau impressionniste) auquel il s’adonnait et chamboule les sens de chacun des convives qui replongent dans ses élans les plus primitifs. Paul Meurisse est parfait dans le rôle de ce scientifique d’abord accaparé par la science puis vite happé par ce vent de folie champêtre.