Déluge académique
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À l’opposé d’une décapitation de Marie-Antoinette présentée par Thomas Joly, devant un monde entier affamé de Jeux olympiques, comme festive, dansante et jouissive, Gianluca Jodice nous rappelle la triste cérémonie qui y mène, avec ces gens qui n’ont rien choisi, et surtout pas cette naissance qui donne des rôles très lourds à porter face aux circonstances et aux Insoumis de l’époque, haineux, queutards ou neuneus. Au fur et à mesure que les fonctions de la royauté comme celles de la famille sont amputées, par une force des événements mal explicitée dans le film, les secondes gagnent en importance malgré la balourdise d’un souverain ramené à l’état civil, Louis Capet, et grâce à une reine, qui, si elle n’a pas perdu de son sang autrichien, a gagné en intelligence et en lucidité.
La Révolution française est un événement complexe qui alterna le meilleur comme le pire, et dans cette dernière catégorie, on peut y ranger la Terreur, dont le réalisateur italien semble trouver un prélude dans l’exécution de Louis XVI, le lundi 21 janvier 1793 à 10 h 22, à Paris, sur la place de la Révolution (ancienne place Louis XV, devenue en 1795 la place de la Concorde) : après cela, le déluge.
Après Sofia Coppola en 2006 (Marie-Antoinette, basée sur un ouvrage d’une historienne britannique, Antonia Fraser), il faut donc un cinéaste étranger non imprégné de la mythologie révolutionnaire pour renouveler le regard sur cette femme peut-être prise dans un destin trop grand pour elle, comme pour toute cette famille, et les habits qu’on lui fit porter, parce qu’on ne devient pas une tête couronnée par vocation, mais par naissance, ce qui n’altère pas l’humanité consciente de son sort et de sa contingence.
Le Déluge nous présente donc une famille de bric et de broc, l’Autrichienne étant devenue « dauphine de France en 1770, à 14 ans, par son mariage avec le futur Louis XVI, puis reine de France en 1774, à 18 ans, lorsque son époux monta sur le trône, et qui sera guillotinée en octobre 1793 à l’âge de 37 ans.
Si le Guillaume Canet en Louis XVI de cette œuvre est parfois comparé à François Hollande dont sa débonnaireté, il faudrait rappeler que ce dernier, malgré un bilan assez terne, est un animal politique aux intuitions certaines, et dont le courage est parfois sous-estimé, de sa décision d’intervenir au Mali (opération Serval) à sa volonté de s’engager en Syrie en 2013, mais qu’il rencontra la pleutrerie de Barack Obama (Le jour où Barack Obama avait effacé sa « ligne rouge » sur la Syrie, Le Monde, 7 avril 2017 ; Le coût de l’inaction de Barack Obama, 23 mars 2016, Les Échos ; Syrie : François Hollande rappelle que Bachar al-Assad aurait pu être renversé en 2013, « si Barack Obama nous avait suivis », Public Sénat, 9 décembre 2024 ; etc.), dont le bilan est de plus en plus jugé sévèrement, jusqu’à son humour, avec cette humiliation publique qui décida peut-être de la candidature de Donald Trump (Le 30 avril 2011, ce jour où humilié par Obama, Donald Trump a décidé d’être candidat, Agathe Auproux, 9 novembre 2016, Les Inrockuptibles, 9/11/16). Passée l’exaltation du premier métis à la Maison blanche, viendra le regard froid de l’historien.
Le Déluge raconte donc la vie d’une famille dans l’attente d’un verdict qu’elle pressent mortel, avec un papa qui veut rester joueur et de bonne humeur, dans un certain dépouillement des attributs royaux, n’étaient les somptueux costumes concoctés par Massimo Cantini Parrini. Par contre, le film souffre peut-être d’un certain dénuement des décors, qui rappelle parfois le théâtre, avec de grands espaces vides qui donnent froid mais qui n’empêche pas la belle photographie de Daniele Ciprì. On peut aussi comprendre que cette austérité dans le décor vise peut-être une certaine abstraction voulue le philosophe qu’est aussi Gianluca Jodice.
Les acteurs sont tous bien sans être cabotins, de Guillaume Canet à Mélanie Laurent (en femme qui a la tête sur les épaules en passant par Roxane Duran à Aurore Broutin à Fabrizio Rongione qui trouve une nouvelle vie après les Dardenne, dans le rôle de Jean-Baptiste Cléry, dont les écrits servent de matière au film.
Créée
le 29 déc. 2024
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