Le démon s'éveille la nuit par TedDeckard

Voilà un film que j’ai trouvé dur, âpre, tant dans les thèmes abordés que dans la façon dont il les traite. Un film qui serait même franchement déprimant dans sa vision des relations amoureuses si il ne se terminait pas (presque à mon soulagement je dois dire) sur une note d’éclaircie salutaire. On nous y parle entre autres de dépression, de la recherche de l’âme sœur, du fait de s’affirmer en tant que femme libre et indépendante dans les années 50, le tout au travers de plusieurs personnages tous gris et assez complexes.

Mae, le personnage principal, est une femme quarantenaire revenue dans sa ville natale après 10 ans d’absence. On découvre une personnalité féminine forte, affirmée, mais déprimée, fatiguée par les coups que la vie a pu lui asséner, notamment la mort prématurée de l’homme de sa vie. Jerry, marin pêcheur tombé amoureux de Mae, est un homme honnête, attentionné, simple, rangé, mais dont la vie ordinaire semble opposée à ce que Mae recherche, éprise de liberté. Earl, ami de Jerry, marié mais terriblement seul, cynique, affirme que lui seul peut comprendre Mae et lui offrir ce que la vie lui a arraché. C’est pourtant avec Jerry qu’elle va finir par se marier, espérant retrouver le bonheur sous une nouvelle forme, que cette autre vie puisse la sevrer de sa fougue.

Hélas, 1 an plus tard, malgré l’amour de Jerry et un premier enfant, le bonheur tant désiré n’existe pas. Et Earl, divorcé mais toujours aussi avide de combler le manque affectif qui le ronge, va la convaincre de céder à son appel, à s’abandonner à l’aventure avec lui malgré son mariage. Tel est le dilemme que doit désormais résoudre le personnage de Mae, choisir entre son désir de liberté, sa nature passionnée, ou l’amour sage bien que sincère de Jerry et de son enfant. Un dilemme qui s’illustre à plusieurs reprise dans la mise en scène de Fritz Lang, par le choc de deux éléments naturels : celui de la mer déchaînée avec la côte rocheuse inamovible.

La révélation de l’adultère va blesser Jerry au point de risquer de transformer cet homme doux et non-violent en un meurtrier. En même temps on voit se dessiner une distinction entre les caractères de Mae et Earl, qui semblaient pourtant similaires. Si le bonheur de Mae lui a été enlevé par la fatalité, Earl ne doit sa solitude qu’à un manque flagrant d’empathie pour son prochain. Pour lui aucun doute, pas d’amour possible pour Mae sans un sacrifice : celui de Jerry, en partant avec Earl et sa fille ; celui de son enfant, en l’abandonnant avec Jerry ; ou celui de Earl lui-même, en restant. Ce que Mae va finir par sacrifier, c’est une partie de sa liberté, comprenant qu’être un couple c’est, en partie, appartenir l’un à l’autre. Jerry lui, échangera son pardon contre un fardeau : la confiance. Ce nouvel équilibre fonctionnera-t-il ? Libre à nous de l’imaginer.