Au vu des retours plus que mitigés (pour ne pas dire catastrophiques) émis de la part de la critique comme du public, c’est peu dire que je suis allé voir Ant-Man and the Wasp: Quantumania avec appréhension. Il faut avouer que rien, dans la promesse faite par ce nouveau film du Marvel Cinematic Universe, ne pouvait laisser espérer un grand film du genre super-héroïque. Tout au plus pouvions-nous avoir l’espoir d’un divertissement grand spectacle qui parvienne à embrasser les enjeux liés au concept du fameux multivers, promis par Marvel Studios depuis le début de la quatrième phase de son univers étendu. Cependant, l’échec du précédent Doctor Strange in the Multiverse of Madness en la matière ne laissait rien présager de transcendant. De plus, le retour à la réalisation de Peyton Reed, auquel le studio avait confié les deux premiers opus centrés sur le personnage d’Ant-Man, ne pouvait que contribuer à mon scepticisme sur la réussite de ce film, tant son précédent Ant-Man and the Wasp fait pour moi figure de ce que le MCU peut offrir de moins inspiré et créatif à son public. Je m’attendais à un ratage sur le fond comme sur la forme, tant les prédispositions de ce nouveau film à un nouvel échec semblaient présentes. Autant dire que je m’attendais à tout, sauf à un film qui parviendrait à me surprendre au milieu des dizaines de productions déjà sorties sur les écrans depuis les 20 dernières années !
Car oui, c’est bien la surprise qui a dominé mon ressenti devant ma découverte d’Ant-Man and the Wasp: Quantumania. Surprise, car je considère ce film comme un point de rupture dans la manière qu’a le Marvel Cinematic Universe de penser les adaptions des comics books dont il s’inspire, voire même d’un film assez unique dans la myriade d’adaptations de ces bandes dessinées arrivées au cinéma depuis le début des années 2000. Surprise également, car je me suis rendu compte que je comprenais à la fois tout ce que le grand public peut ne pas aimer dans ce film, sans pour autant considérer qu’on puisse le lui reprocher !
Oui, Ant-Man and the Wasp: Quantumania est un film débile. Oui, c’est un film absurde par beaucoup d’aspects sur le fond, et qui à plusieurs moments frise (voire embrasse) le ridicule dans sa forme. Mais tout cela découle pour moi d’un unique et simple fait : ce film est un des rares, peut-être même le seul film qui embrasse totalement le sous-genre du comic book américain dont il se fait l’adaptation. Ce film est pour moi une incarnation fidèle de l’identité du comic book super-héroïque traitant des réalités alternatives, voyages dans le temps, et autres dimensions parallèles, tel qu’on peut le trouver à partir de l’« Âge d’argent » (au début des années 1960), d’abord chez DC Comics, puis chez Marvel Comics. Et ces histoires pour enfants et adolescents se caractérisent, pour la grande majorité d’entre elles, moins par l’intelligence et la cohérence de leurs scénarios et de leurs règles que par une frénésie d’action et de créativité visuelle. Et Ant-Man and the Wasp: Quantumania s’applique à retranscrire cela le plus fidèlement possible.
C’est en cela que je comprend à la fois que le film déplaise fortement, mais je pense que ces défauts sont le produit même de ce que le film est. L’expérience de ce genre d’histoire, inventée et développée au sein de la bande dessinée, se prête sans doute beaucoup moins au médium cinématographique. C’est aussi en cela que je considère le film comme une rupture au sein du MCU. La recette formatée du Marvel Cinematique Universe s’est souvent caractérisée par un traitement « le cul entre deux chaises » des enjeux et des personnages issus de ces histoires : du premier degré, souvent au sein d’un univers terrestre tangible, mais dont les aspects les plus absurdes sont systématiquement souligné par de l’humour pour mieux les faire accepter au plus grand nombre. Une recette qui a pu donner naissance à quelques réussites (le premier Avengers de Joss Whedon, ou son successeur Avengers: Infinity War d’Anthony and Joe Russo) mais la plupart du temps à un grand nombre de films bancals, au mieux des divertissements corrects traversés de fulgurances, au pire des coquilles vides gangrenées par un terrible manque d’audace créative. Les rares œuvres qui ont réussi à plonger dans l’univers visuel que pouvait receler ces bandes dessinées ont logiquement fait le choix d’un traitement comique de leurs histoire et de leurs personnages (les deux films Guardians of the Galaxy de James Gunn et le Thor: Ragnarok de Taika Waititi). Ant-Man and the Wasp: Quantumania est le premier film du MCU a embrasser totalement cette esthétique et cette forme narrative en la traitant au quasi exclusivement au premier degré.
Je comprend tout ce qu’on peut lui reprocher : énormément d’éléments du film sont visuellement ridicules, le scénario est en de nombreux instants incohérent, l’univers présenté et ses règles sont absurdes. Mais on ne peut pas nier qu’il s’agit d’une adaptation fidèle de son matériau originel, qu’il réussit en plusieurs endroits là où Doctor Strange in the Multiverse of Madness échoue. Le film en devient presque anti-cinématographique, tant il s’accroche aux codes d’un médium qui n’est pas le sien. Mais contrairement à d’autres films du MCU, Ant-Man and the Wasp: Quantumania possède une âme : celle d’un pré-adolescent un peu débile, mais une âme quand-même.