Le carnage a un nom : Jeff Loveness. Comment se targuer de vouloir ouvrir la phase 5, animée par des ambitions démesurées en voulant à tout prix un antagoniste à la hauteur de Thanos, avec un scénario aussi absurde et indigent ? Les deux premiers «Ant-man» ont toujours été considérés comme des films mineurs et pourtant eux pouvaient se vanter d’être démesurés et se donnaient la peine d’aller au bout de leurs ambitions. Ici, on assiste à la mise en œuvre d’un scénario complètement lunaire, n’ayant absolument aucun objectif ou enjeu distinct durant plus d’une demi-heure et n’introduit quasiment rien, si ce n’est un royaume quantique qu’on est déjà censés connaître mais dont on redéfinit tout son contexte pour ce film. Il renie complètement les péripéties des précédents films. On invente une nouvelle vie à Janet Van Dyme et un nouvel ennemi sorti de nulle part. On sait que les scénarios des grandes sagas s’écrivent au fur et à mesure et qu’ils ajoutent des éléments dans les anciens films pour justifier le scénario des prochains (coucou la saga «Fast & Furious»), pourquoi pas si c’est bien fait mais si ça rend tout l’univers incohérent, c’est non. Si Kang avait été une si grande menace et s’il existait un peuple tout entier dans le royaume quantique, pourquoi Janet n’en a-t-elle jamais fait la mention ? Scott lui-même y a été enfermé et pourtant n’a pas l’air d’avoir connaissance de ce gigantesque univers subatomique. Puis Janet joue la mystérieuse en nous cachant la véritable chose qui l’inquiète, secret qu’elle garde une éternité pour… rien, si ce n’est garder un semblant de surprise, mais on sait déjà quelle surprise nous guette : Kang. Déjà dans la série «Loki» ses plans d’anéantissement étaient prometteurs et il l’est tout autant dans ce troisième long-métrage de Peyton Reed. Mais au milieu de ces non-sens et de la banalité de ses enjeux, il fait pâle mine au sein d’un blockbuster qui ne nous évoque rien, ni émotion, ni frisson. Ce scénario sans intelligence aucune gâche littéralement tout. Que reste-t-il au-delà de ça ? Quelques éléments non négligeables pour assurer un minimum de divertissement tout de même. On retrouve les têtes que l’on connaît déjà et qu’on se fait un plaisir de retrouver. Le nouvel univers quantique, même s’il est aberrant de non-sens, est plus joli et plus intéressant visuellement que ce que les autres critiques laisseraient croire. Il subsiste un certain savoir faire de ce réalisateur qui sait concevoir de belles images et des combats astucieux au sein de séquences qui galvanisent notre persistance rétinienne. Mentions honorables pour la première attaque de MODOK derrière un écran de fumée qui laisse apparaître la menace qu’il représente, les centaines de Scott multipliés à foison ou encore l’envolée de la gigantesque raie manta, sublimée par une musique qui se fait trop rarement remarquer au cours du long-métrage mais qui se distingue pour cette séquence et aussi pour le générique de fin. L’imagerie est colorée mais pas spécialement kitsch, disons que l’aspect de MODOK sans le casque nous fait saigner des yeux. Pourtant, lorsqu’il revêt son armure, cet antagoniste se révèle presque plus menaçant que l’antagoniste principal. Mais sans armure c’est atroce. Comment diable Kevin Feige a-t-il pu valider ça ? Autant d’incompréhensions dans un film censé lancer cette nouvelle phase qui rappelle le mauvais démarrage de la précédente avec «Black widow». On ressort avec la sensation que le film n’apporte rien et qu’il n’y a eu aucun enjeu d'enclenché, si ce n’est via les scènes post-générique. C’est à peu de choses près du même niveau que les derniers «Love and thunder» et «No way home», vidés de toute substance héroïque et humaine, à contrario ici, il subsiste néanmoins dans ce «Quantumania» des personnages héroïques, courageux, et bien plus appréciables que ceux des films cités précédemment. Ce n’est pas pour autant un massacre, la formule Marvel faisant largement son travail, mais c’est un sacré bon en arrière par rapport aux excellents films - différents, certes - de la phase 4 de Zhao, Raimi, Cretton et Coogler.