Tout comme John Carpenter avec Dark Star en 1974, Besson aborde dans son premier film, neuf ans plus tard, le genre de la science fiction. A la différence que l’histoire ne se situe pas dans l’espace mais dans un univers post-apocalyptique sur Terre. C’était un phénomène assez rare pour l’époque de commencer par un cinéma de niche peu adulé par le grand public pour être découvert. Cela démontre bien le souhait de Luc d’apporter un autre souffle, une certaine modernité dans le traitement de l’image et de la mise en scène du cinéma français traditionnel. Il est amusant de noter qu’un autre réalisateur allemand, Roland Emmerich se fera connaître de la même façon, un an plus tard avec le principe de l’Arche de Noé, avant que les studios hollywoodiens l’enferme dans la science fiction de destruction massive, basée essentiellement sur les effets spéciaux. Encore, aujourd’hui, les premiers pas effectués dans la science-fiction sont relativement peu connus (Ex : Eden Log de Franck Vestiel, Renaissance de Christian Volckman). Mais comme certains le savent déjà, c’est un genre que j’apprécie beaucoup d’où mon intérêt de voir ce dernier combat.
Fait assez unique dans la filmographie du réalisateur, il partage l’écriture du scénario avec son ami, Pierre Jolivet, étant devenu depuis un réalisateur très intéressé par le social (cf sa filmographie). Cela se ressent ici parce que l’on découvre l’avenir de l’espèce humaine après une catastrophe l’ayant presque exterminée.
C’est une bobine étonnante car elle semble tellement éloignée du producteur de films commerciaux ayant pour seul but de divertir le public, centré sur l’action avec des sagas telles que Taxi, Le Transporteur ou encore Taken. C’est l’une des raisons pour laquelle j’écris ces lignes, je m’intéresse plus au réalisateur dont l’image a été ternie aujourd’hui par son poste de producteur influent sur de nombreux films à la qualité scénaristique discutable. Je reconnais que de ce côté-là, il n’a pas fait que des bons choix.
Côté bande originale, Eric Serra est déjà présent avec sa musicalité changeant de ce que l’on entendait habituellement dans les films français. Son style musical se marie très bien avec la mise en scène de Besson lui conférant un style unique. Un peu comme Hitchcock et Herrmann, Spielberg et Williams, et plus récemment Rfen et Cliff Martinez.
Bien que n’ayant jamais fait d’études cinématographiques, Luc est un artiste ayant une vision très claire dans sa manière d’aborder le 7ème art en proposant des univers atypiques (Ville abandonnée, Le Métro, la mer, l’espace…) avec des personnages décalés et/ou marginaux se retrouvant confrontés aux difficultés de la réalité et violence de la vie (Subway, Nikita, Léon, Jeanne d’Arc). Il a également un amour pour l’architecture apportant une atmosphère particulière à ses films. Dans le dernier combat, il se dégage des décors une impression d’hostilité envers la présence d’être humain comme si elle était indésirable. Un autre point important dans sa filmographie est la présence l’eau, aussi dangereuse que bénéfique, permettant la survie de l’homme, ici, ou de vivre son rêve (cf. Le grand bleu). Les éléments cités contribuent à l’identité du style cinématographique de Besson. Malgré son approche moderne de filmer, il choisit de tourner en noir et blanc tout en restant en adéquation avec le court métrage dont il s’inspire « L’avant dernier ». Sa dernière incursion en Noir et blanc remonte à Angel-A avec Jamel Debbouze.
Côté du scénario, Pierre Jolivet joue un survivant menacé par des hommes pour des raisons obscures dont un est interprété par Jean Reno, ami et acteur fétiche de Besson, se révélant être un redoutable ennemi. Sa rencontre avec un médecin complètement paranoïaque et à moitié fou, interprété par Jean Bouise, va lui permettre de se reconnecter à son humanité à travers une communication effectuée par des gestes et des dessins. On y a retrouve des personnages intrigants comme celui du chercheur d’eau (Maurice Lamy) ou du Capitaine (Fritz Wepper – Harry Klein dans Inspecteur Derrick).
Étrangement, c’est le film de Besson où les femmes sont quasi-absentes et sont représentées comme étant soumises à l’autorité masculine pour diverses raisons. Afin de corriger le tir et d’éviter tout malentendu sexiste, la femme occupera une place bien plus importante dans ses longs métrages suivants, en ayant souvent le rôle principal. A tel point que le prénom sera souvent le titre du film. Le seul où apparaît également le nom de l’héroïne sont Adèle Blanc-Sec et Jeanne d'Arc. A d’autres moments, elle sera définie par une expression : Le cinquième élément, The Lady.
Comme vous l’avez compris, cela deviendra un peu la marque de fabrique bessonienne !!
Dernier point très surprenant est l’aspect quasi-muet du film. Cela contraste radicalement avec la modernité de son metteur en scène, tout en étant un choix audacieux, donnant au projet une dimension de film indépendant, très loin de son image actuelle en tant producteur. Au final, le dernier combat est un essai intéressant, à condition d’apprécier la science fiction post-apocalyptique.
Ainsi du haut de ses 23 ans (!), il a réussi à prouver, avec détermination et ténacité, qu’il pouvait mener à bien un projet jusqu’à son terme alors que tous les éléments étaient contre lui : Faire un film de science-fiction, en noir et blanc, muet, avec des acteurs inconnus pour la plupart, dans le paysage cinématographique français des années 80. Cette proposition de cinéma a fini par payer, de manière inespérée, en obtenant le prix spécial du Jury et de la critique au Festival d’Avoriaz en 83. Il proposait déjà un renouveau du cinéma hexagonal en faisant des choix artistiques et cinématographiques osés pour l’époque. Cependant, sa sortie confidentielle (7 salles) l’empêcha d’avoir un réel succès au box office. Il bénéficiera de ressorties jusqu’en 92, grâce au succès de ses 3 films suivants. La consécration n’arrivera qu’avec Subway. A suivre.