Post-apocalyptisme préhistorique
Dans cet essai atypique pour un réalisateur que tout le monde croit connaître, les esclandres mutiques font écho aux bravades étouffées. En somme, Besson est là où on ne l'attend pas. Sur le terrain du film d'auteur, suffisamment ouvert pour être divertissant, pas assez explicite ni expressif pour toucher tout péquin qui baguenaude.
Mais c'est toujours la même rengaine avec Besson, chassez le naturel et il revient au galop : les musiques kitschounettes jouées au clavier prennent trop de place. Trop fidèles à leur temps, elles rappellent au mauvais souvenirs du Grand bleu ou de Nikita... et passent sacrément mal l'épreuve des années. Installées avec ingéniosité pour ponctuer le comique, l'angoisse, l'excitation ou la quiétude, elles gagneraient parfois à ne pas être entendues.
Du cru de l'image, le sésame du noir et blanc n'est pas très stylisé. On n'assiste à aucun effet, aucun habillage d'une réalité terne et sauvage, tout juste embellie par une sorte d'épure « neutre », assez propre pour assurer l'impact de l'action sans pour autant en mettre plein les mirettes.
Toujours dans le dépouillé, la particularité du film tient en son absence quasi totale de dialogues. Juste deux « bonjour » échangés, c'est maigre, et pourtant ça donne tout un charme. Cette caractéristique ne facilite toutefois pas la lisibilité de certaines scènes, qui ont du mal à faire sens dans l'intrigue. Heureusement, le brouillon s'efface devant un jeu d'acteurs auquel il n'y a rien à reprocher, et qui de toute manière n'a aucun rapport avec le réalisme.
Mais la maison sait quand même faire dans l'excentricité scénaristique. La bête humanoïde sortie du coffre par « el padre » du coin fait à tous les coups penser à Pulp Fiction et à « la chose » si bien connue... Et je ne cite là que la scène la plus « cinéphile », car le reste ne dépareille pas, privilégiant le surréalisme de scènes flirtant avec l'improvisation théâtrale.
Pour ce faire, Besson mettait déjà en place son acteur fétiche : Reno. Avec sa barbe surmontée de lunettes de binoclard, il en impose, mine de rien. Son rôle de simili-chevalier de l'apocalypse/des temps modernes préfigure déjà, si on pousse un peu, celui qu'il aura dans les Visiteurs.
En bref, le film est à voir pour savoir que Besson s'est essayé au cinéma avant de produire à la chaîne des divertissements marqués du sceau « approuvé par le public, avec les remerciements de votre banquier ».