Le dernier des Mohicans de Michel Tourneur est certainement le film le plus osé et le plus avant-gardiste des années 20 qu’il m’ait été donné de voir. N’ayant pas lu le livre, je ne peux juger de la qualité de l’adaptation, mais le film retrace le conflit entre les Français, alliés des Hurons, et les Anglais, avec les Iroquois. Deux jeunes filles partent rejoindre leur père, un colonel anglais, dans son fort. Elles sont guidées par un indien, Magua, et escortées par deux Mohicans, le chef Chingachgook et son fils Uncas. Trahies par Magua, un agent des Français, elles rejoignent le fort grâce aux deux Mohicans. S’ensuit un combat violent entre les Français et les Anglais.


La réalisation de Michel Tourneur, aidé par son protégé Clarence Brown, est brillante : les scènes d’intérieur sont magnifiquement éclairées et celle d’extérieur ressemblent à des tableaux de grand art. Le film est porté par des acteurs magnifiques, bien que dans l’ensemble peu connus, et très expressifs : ce qui pourrait être considéré comme du sur-jeu évite en fait les nombreuses coupures dues à l’insertion de cartons, et donne à l’œuvre un rythme passionnant. Le scénario, d’abord classique, nous offre une magnifique chute, absolument inattendue et décalée pour l’époque, que je vous laisse le plaisir de découvrir. En fait la fin, à partir de l’arrivée au fort, est particulièrement virtuose, tant du fait de la réalisation que du jeu des acteurs, et le duel final est une pure perle de génie, de tous points de vue.


Mais ce qui fait la principale force du film est la relation entre Cora, l’ainée des deux sœurs, et Uncas, le jeune guerrier Mohican. En effet, leur amour, qui dans le livre à ce que j’ai compris est assez implicite, est ici totalement assumé. Cora congédie assez joliment son prétendant anglais, je dois dire. Cette relation entre une blanche aristocrate et un indien n’a jamais été vue auparavant, au cinéma du moins, et contrairement à de nombreuses histories d’amour dans d’autres westerns, son romantisme sombre et sobre donne une note extraordinaire à ce qui était déjà un très bon film d’aventure.


Enfin, il est intéressant de noter la façon dont le bien et le mal sont traités dans cette œuvre de 1920 : ni Anglais, ni Français, ni Indiens, Hurons ou Mohicans, ne sont caricaturés ou réduit au simple constat de ‘’gentil’’ ou ‘’méchant’’. Chaque antagoniste semble posséder une part de bien et de mal, de courage et de lâcheté, d’amour et de haine. Michel Tourneur est donc avant-gardiste en ce qui concerne la vision des Indiens, qui, bien que l’attaque des Hurons soit d’une violence et d’une cruauté Inouïe, ne sont jamais caricaturés comme ‘’ennemis des blancs et de la civilisation en général’’ comme c’est les cas chez Griffith.


Si j’ai une remarque à faire, c’est peut-être sur la vision des Hurons en particulier, ces derniers étant en général plus pacifique que leurs ennemis Iroquois ; c’est d’ailleurs ce qui causa leur perte. Mais ce n’est qu’un détail qui ne gâche en rien cette véritable œuvre d’art qu’est ce film !

Fiddlebolt
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le 22 août 2015

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