Tomber pour elle

Quarante-quatre ans après Les Duellistes, Sir Ridley Scott ne semble pas en avoir terminé avec la question de l’honneur.
Le dernier duel, ressuscite une affaire judiciaire qui marqua le Royaume de France de la fin des années 1300. A la différence des Duellistes, les questions d’honneur et de justice sont portées par la voix d’une femme, Marguerite de Carrouges.

En ces temps moyenâgeux, la condition féminine n’est qu’une ombre, entièrement masquée par celle des hommes.
Être une femme au Moyen-Âge, c’est grandir innocemment dans l’ombre d’un père, avant que ce dernier ne la marchandise à une union sacrée. La transition de l’ombre d’un père à l’ombre d’un mari s’avère bien plus sombre. D’une femme à son mari, il n’est question que de dévotion (honneur, sagesse et obéissance) et surtout d’accomplir son unique destinée : engendrer encore et encore des héritiers, mâles de préférence.
Ainsi, comment la voix d’une femme pourrait-elle être entendue à travers l’épaisseur froide et brutale du règne des hommes ?

C’est à travers une reconstruction épique et maîtrisée que l’histoire se joue en 3 actes : Jean de Carrouges (le froid Matt Damon), Jacques le Gris (le sombre Adam Driver) et Marguerite de Carrouges (la brillante Jodie Comer). A chaque acte sa version, ses variations, ses subtilités. A toutes les versions, la vérité est pourtant-là, criante. Avouer l’inavouable a son mari est pour Marguerite une épreuve de courage tout aussi violente (moralement et physiquement) à vivre que l’agression subie. L’honneur de l’époux salie (plutôt que de l’épouse), et les rivalités passées avec Jacques le Gris, sont de trop pour ne pas être réparés.
La mauvaise fois, l’appréciation de chacun et un Pierre d’Alençon (le diabolique Ben Affleck) qui tord la justice en faveur de son écuyer Jacques le Gris, rendent insoluble le lavement de « l’honneur ».

Reconstitution d’un fait historique et témoignage de la violence d’une époque, ce film résonne modernement en échos à notre monde contemporain.

S’en remettre à Dieu, au destin est le cuisant retour de bâton de la victime, qui bien trop tard réalise qu’elle aurait mieux fait de se taire, mais les dès sont jetés, c’est ainsi.
Par le sang coulé le jugement de Dieu est tombé, l’honneur d’un homme a été rétabli, pour le reste, rien ne change… car en définitive à quoi bon ? « The truth does not matter. There is only the power of men ».