Cinq ans après la secousse Grave, Julia Ducournau est de retour avec son second long-métrage, Titane, sélectionné en compétition officielle du festival de Cannes 2021.
Son premier long-métrage a ouvert une brèche incontestable dans le paysage du cinéma français. Avec Titane, on ne parle plus de fracture mais d’horizon nouveau.
Pendant ces cinq années de gestation cinématographique, Julia Ducournau ne semble pas avoir quitté cette brèche. Au contraire, telle une démangeaison obsessionnelle d’ouvrir le champ des possibles, elle a pioché sans relâche, pour y insérer avec soin et maîtrise des bâtons de dynamite. De l’extérieur, on pourrait ne voir qu’une simple explosion de violence. Pourtant, cette explosion a des choses à nous dire et nécessite pour être réussite un certain nombre de paramètres.
Julia Ducournau se joue de la dualité exacerbée homme/femme mais aussi de l’hybridité des êtres qui brouille les frontières du masculin et du féminin. Filmer les corps dans tous ses états, les corps qui endurent sont on l’aura compris l’obsession de la réalisatrice. Cette souffrance physique laisse place dans le film à quelques beaux moments de répits, où la chaleur humaine refait surface et gomme pour quelques instants les souffrances du corps et de l’esprit.
Dans une mise en scène baignée d’obscurité et de lumières colorées, le personnage de Vincent Lindon en « très grande forme » se cogne à celui d’Agathe Rousselle. Muscles contre acier, feu contre huile de moteur, l’étincelle de la rencontre est là et arrive à distiller une lueur d’humanité.
A noter également le plaisir bien que trop court mais gravement coupable de retrouver Garance Marillier en rôle secondaire.
Le film peu bavard, dynamise littéralement de part sa mise en scène : point besoin de longs discours pour raconter les choses. Sa bande-son (et particulièrement son puissant She’s not there de The Zombies) nous livre au fil du film l’oxygène nécessaire, pour tenir dans l’océan floue de fumée où se côtoie humains et machines.
Les influences cinématographiques (notamment Cronenberg x Carpenter) ne font pas de doutes. Mais, on retiendra surtout un cinéma Ducournau, avec la volonté d’aller toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort.
La preuve cannoise que le Titane peut valoir de l’or est une reconnaissance pleine de chaleur et d’humanité, d’un cinéma de monstres pas toujours gentils où ce n’est pas le paradis.
On retiendra de Julia Ducournau la très belle phrase de son discours : « Merci au jury de laisser rentrer les monstres ». Il nous tarde déjà de rencontrer les prochains.