Le plaisir de visionner "Le dernier empereur" peut s'exprimer juste avec l'anagramme du nom de son personnage clé. Découvrir sur grand écran et au travers d'une fastueuse mise en images la destinée hors du commun de Pu Yi (prononcer pouilli)... youpi !
Ce pur chef-d'oeuvre a bel et bien valeur d'exemple. Oui ! Avec une histoire emblématique, un metteur en scène d'envergure et des comédiens très inspirés, pari cinématographique et succès commercial peuvent aller de pair !
Plaisir, donc, d'être subjugué de bout en bout (2 h 45, quand même) par la fresque biographique que Bernardo Bertolucci a filmée de façon magistrale. C'est une parfaite harmonie entre quelques scènes à grand spectacle, épiques même, et des scènes intimistes cernant une tragédie individuelle. Pu Yi, dernier empereur de Chine, a, en effet, passé toute son existence en quête de sa raison d'être comme souverain et comme homme. Son destin est scellé dès ses 3 ans. Quand, en 1908, il est enlevé à sa mère pour devenir enfant-roi (trait d'union faisant toute la différence !) dans une prison dorée : la Cité interdite. Dès 1911, avec l'avènement de la République chinoise, il ne règne plus que sur une foule d'eunuques et des courtisans qui l'idolâtrent... pour mieux piller en secret les richesses de la dynastie Manchoue.
Et ça, man, c'est pas chou ! Intermède souriant...
Critique reprenant son droit de Cité (interdite !).
A 20 ans, à peine marié et initié à la culture occidentale par un précepteur écossais (joué par Peter O' Toole, tout en flegme charismatique, un régal), il est chassé du monumental sanctuaire et rompt très brutalement avec ses rites illusoires.
De 1924 à 1932, il mène une vie mondaine de façade dans une ville cosmopolite. Il tombe alors sous la coupe des Japonais, préparant déjà la guerre contre la Chine qu'ils ne peuvent pas saquer ! Ils vont le manipuler à outrance. Il devient le monarque fantoche du Manchukuo. 13 ans d'un pouvoir de pacotille, puis capture par les Russes et retour dans la Chine de Mao où il subit l'humiliant processus de la "rééducation".
De 1950 à 1959, il n'est plus que le matricule 981 !
Quand on vous disait, au début, que la vie de ce type-là n'a pas été un long fleuve - jaune- tranquille !
Gracié, il finit... simple jardinier ! Mais il est enfin en paix avec lui-même.
Le drame de Pu Yi, cerné en longs flashes-backs, est inexorablement lié à son aveuglement et à sa faiblesse. Personnalisation d'un pouvoir d'essence divine... mais à qui "la règle du jeu" a, en fait, toujours été dictée par d'autres.
Le mot clé pour s'imprégner au mieux de ce film inoubliable et de l'interprétation à multiples facettes sidérantes de John Lone, c'est : solitude. Sentiment réducteur qu'on voit éclore dans cet univers hors normes qu'est la Cité interdite à Pékin.
Bertolucci, alors premier cinéaste occidental autorisé à y filmer, et son directeur de la photographie signent des séquences d'une somptuosité visuelle rarement atteinte. Oeuvre mythique d'emblée dans l'empire du Milieu cinématographique, "Le dernier empereur" illustre un genre dont il ne faut surtout pas voir s'achever le règne !