Le retour sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzakh Rabin en 1995 était prometteur : rien de moins qu’un Amos Gitaï, cinéaste de renom, pour porter au pinacle le leader politique visionnaire qui avait su braver toutes les oppositions en essayant de faire la paix avec les palestiniens. Une figure de héros qui lutte contre l’obscurantisme, modèle pour toute la gauche dans son ensemble, mais que le film, hélas, remet dans l’oubli aussitôt évoquée.
Car la cause politique est noyée dans une intrigue policière où les coupables sont déjà tout trouvés – les fanatiques religieux d’extrême-droite soutenus idéologiquement par le Likoud. Le réalisateur revient sur l’assassinat de Rabin pour faire une analogie avec le présent, afin de souligner les continuités dans les positions politiques antagonistes entre la droite et la gauche dans la question palestinienne. Mais en choisissant de mêler fiction et documentaire, l’auteur finit par nous donner que des demi-vérités historico-politiques, où l’enjeu de l’assassinat de Rabin n’a pas beaucoup d’importance. Il pourrait s’agir d’un simple règlement de compte mafieux et il n’y aurait pas beaucoup de différences. Un simple conflit entre personnes que le film nous retrace à travers les audiences de la commission judiciaire chargée d’élucider les causes de la mort de Rabin.
Au lieu de nous donner une vision symbolique et théâtrale de cet évènement, même en risquant de sortir de la vérité historique, Amos Gitaï a préféré mettre un peu de fiction pour illustrer les positions des différentes parties qui sont en cause dans l’assassinat – l’interrogatoire du criminel, la secte orthodoxe dont il faisait partie, les autorités politico-judiciaires. Seulement, jamais un procès, si symbolique soit-il, même étendu avec une part de fiction, ne pourrait donner matière à faire revivre ce pour quoi le ministre a été tué. Il y a eu des comparaisons avec JFK d’Oliver Stone, sauf que dans ce cas il s’agit d’une enquête criminelle qui n’a pas vraiment aboutie et dont les ressorts nous échappent en grande partie, et l’imagination peut laisser libre cours à toutes sortes d’interprétations. Mais dans le cas de Rabin, tout est bien clair, nous savons déjà qui sont les criminels, alors pourquoi revenir dessus ?
Amos Gitaï a juste voulu faire une petite piqûre de rappel en suivant un simple plan chronologique qui fait le lien avec la politique israélienne d’aujourd’hui. Le talent du réalisateur est bien là, et certaines séquences sont assez bien vues, mais est-ce bien suffisant pour attirer et convaincre ceux qui sont persuadés de continuer à faire la guerre aux palestiniens ? Je ne crois pas, et la forme cinématographique qui mélange documentaire et fiction rend la démarche politique superflue, surtout dans un contexte religieux où c’est la fiction et la démesure qui l’emportent, et où la restitution de la vérité historique n’a pas beaucoup d’importance. Amos Gitaï est peut-être trop européen dans son approche rationnelle et a manqué de lyrisme dans son approche de ce qui pourrait être une icône de la gauche actuelle, à savoir un leader politique prêt à se sacrifier pour défendre une cause juste qui rétablisse une certaine égalité des droits.