Vu à sa sortie au cinéma où je ne l'avais pas trouvé très bon tout en m'étonnant beaucoup du véritable déferlement de haine dont il a été la cible, je souhaitais me faire une nouvelle opinion dix ans plus tard, à tête reposée, ayant jusqu'ici (presque) toujours trouvé des points de satisfaction aux films de M. Night Shyamalan. C'est clairement le cas ici, où je serais même tenté de revoir à la hausse mon jugement initial. Alors oui, plusieurs choses ne vont pas dans « Le Dernier Maître de l'air » : on peut s'étonner de cette petite centaine de minutes pour une épopée aussi ambitieuse, de dialogues pas toujours inspirés et surtout d'une interprétation assez approximative (si j'épargne Nicola Peltz ou Shaun Toub, celles notamment de Noah Ringer et Jackson Rathbone ne sont clairement pas au niveau d'une telle production). Ce (très) long dénouement quasi-intégralement consacré à l'action ou encore cette
amourette insipide entre Soka et Yue
ne plaident pas non plus en sa faveur.
Mais bon, si l'on est un peu de bonne foi, il est évident que tout n'est pas non plus à jeter. D'abord, j'ai apprécié que Shyamalan cherche à proposer une narration différente de celle constamment utilisée dans les blockbusters contemporains : quelques combats, certes, mais laissant place à un univers certes pas assez développé (pour sa défense, plusieurs suites étaient manifestement prévues) tout en restant original, cultivant une singularité, où l'on sent un vrai potentiel mythologique d'Heroic fantasy. Quant aux effets spéciaux, raillés par nombre de spectateurs, je suis loin de partager leur avis : au contraire, je les ai trouvés élégants, jouant habilement sur l'aspect cristallin de l'eau, le réalisateur leur donnant une dimension presque poétique.
Enfin, si plusieurs personnages (notamment du côté du « Bien ») n'ont pas grand intérêt, l'ambiguïté d'autres (le Prince Zuko, son oncle Iroh) évite un trop grand manichéisme, donnant à cette « guerre des éléments » un minimum de substance, à défaut de la rendre aussi grandiose que son budget ne le laissait espérer avant sa sortie. Bref, une œuvre typiquement « shyamalanienne » : des faiblesses, de la frustration, des promesses partiellement tenues à l'image de ce final cédant, pour le coup, pas mal aux modes du moment, mais aussi une volonté de faire différemment des autres, de ne pas forcément proposer exactement ce que le public attend d'une telle production, d'aborder la question du pouvoir avec un minimum de recul. À défaut de réussite, un « échec » critique et surtout commercial sans doute à revoir d'un œil nouveau d'ici quelques années.