Été 2005. Dans une salle de cinéma complètement vide, je découvrais pour la première fois la petite comédie de zombie dont tout le monde parlait. Grosse rigolade, quelques frayeurs (j’étais jeune et seul dans la salle, je le rappelle), et l’impression d’avoir vu beaucoup plus que la simple parodie à laquelle je m’attendais. Impression qui s’est confirmé avec le temps, Shaun of The Dead étant de ces films qui se bonifie à chaque vision, son scénario fourmillant de petits détails savoureux illustrant bien le talent de ses auteurs, Edgar Wright (aussi réalisateur) et Simon Pegg (aussi acteur). Avec Hot Fuzz et Scott Pilgrim, Wright confirme son talent, proposant à chaque fois des comédies originales, innovantes et respectueuses du genre dont elles s’inspirent. C’est donc avec une grande impatience que j’attendais Le Dernier Pub avant la Fin du Monde (The World’s End en VO), complétant avec Shaun… et Hot Fuzz ce que l’on appelle désormais la Blood and Ice Cream Trilogy, les trois étant liés par la présence de Cornetto, de Simon Pegg et Nick Frost mais aussi par leurs thématiques.

Au début des années 90, cinq adolescents tentent la tournée des bars de leur village. 12 pubs, 12 pintes. Mais ils échouent. 20 ans plus tard, Gary King réunis ses 4 amis d’enfance pour retenter leur chance. Mais en cours de route, ils vont se rendre compte que les habitants du village ne sont plus les mêmes et qu’atteindre le dernier pub ne va pas être aussi facile qu’ils le pensaient…

Avec ce pitch, Le Dernier Pub avant la Fin du Monde s’imposait comme le film le plus ambitieux d’Edgar Wright autant d’un point de vue spectaculaire qu’émotionnel. Autant le dire tout de suite, le film est à la hauteur de ses ambitions. Oui, c’est aussi une comédie, mais le cantonner à ce genre serait une erreur car il est bien plus (comme les précédents d’ailleurs). Quoiqu’il en soit, il s’agit avant tout d’un film de personnage. Ceux-ci sont le moteur de l’histoire et tout ce qu’il se déroule autour d’eux n’est qu’un moyen pour les faire progresser. Les principaux étant le duo Pegg-Frost qui ici inversent les rôles qu’ils tiennent habituellement. Pegg, dans le rôle de Gary King, devient le loseur qui n’arrive pas à grandir tandis que Frost incarne un avocat mature, lassé des folies de son ami. C’est au travers de leur relation que les deux personnages vont évoluer et se comprendre l’un et l’autre. De celle-ci va se dégager une vraie émotion, que l’on n’avait jusqu’à présent jamais vu dans un film de Edgar Wright. Ce dernier n’excluant pas le coté légèrement auto-biographique du récit, on sent dans l’écriture une sincérité qui ne laissent aucun doute quand à l’amour qu’il porte pour ses (anti-)héros.

Autour d’eux, les trois amis et la sœur de l’un d’entre eux sont des protagonistes moins développés, mais loin d’être inintéressant. Tous sont travaillés, plus ou moins en fonction de leur rapport avec Gary et justifient leurs présences dans le scénario. Ce dernier se développe au travers du barathon. A l’instar de Scott Pilgrim et de ses 7 ex-maléfiques, le déroulement du film se fait au travers des 12 pubs dont les noms évoque symboliquement ce qu’il s’y passe à l’intérieur. Certains sont anecdotiques, d’autres sujets à des gags, mais ils permettent tous à l’histoire d’avancer de manière ludique. Et comme d’habitude chez Wright, le scénario est rempli de petitd détails rendant l’ensemble parfaitement cohérent lorsque l’on arrive à la résolution.

Qui dit tournée des bars, dit alcool. Beaucoup d’alcool même. Un élément que les scénaristes exploitent au mieux puisque plus le barathon se poursuit, plus l’ivresse des personnages augmentent. Une idée géniale permettant de justifier les décisions stupides ainsi que d’offrir quelques très bons moments de comédie. En effet, grâce au talent des acteurs et au sens du rythme du cinéaste, le film est très drôle mais cependant moins que les précédents de la trilogie. Mais si il est inférieur sur ce point (et de peu), c’est parce qu’il a beaucoup d’autres choses à mettre en avant. J’en ai finalement peu parlé pour l’instant, mais Le Dernier Pub avant la Fin du Monde est aussi un film de science-fiction plutôt généreux en action. Fort de son expérience sur Scott Pilgrim (dont il retrouve le chorégraphe Brad Allan), Wright fait désormais preuve d’une étonnante maîtrise dans ce domaine. Moins folle visuellement, elle n’en reste pas moins bien filmé et inventive, à tel point qu’elles se hissent aisément parmi les meilleurs que l’on ait pu voir ces dernières années (et non, je vous assure que je n’exagère pas). Mais surtout, comme tout bon film de SF, il utilise le genre comme une métaphore pour illustrer ses thématiques. Le film aborde dans l’ensemble beaucoup de sujet et il m’est difficile de m’étendre dessus sans trop vous en dire. Du refus du conformisme à l’érosion de l’amitié au fil du temps en passant par le passage à l’âge adulte, des idées qui enrichissent l’œuvre, parfois en lui donnant une noirceur inattendue mais bienvenue. La densité de son propos, éparpillé dans les plus petits détails, nous invite à le visionner plusieurs fois pour mieux en apprécier son intelligence.

Je ne peux pas terminer cette critique sans vous parler des acteurs. Si Simon Pegg est excellent dans le rôle du lourdingue touchant, en ce qui me concerne c’est Nick Frost qui m’a le plus impressionné en montrant à quel point il pouvait être badass ! Quand à Martin Freeman (Bilbo et Watson, s’il vous plait), Paddy Considine (Submarine), Rosamund Pike (Jack Reacher) et surtout Eddie Marsan (Tyranosaur), ils sont un peu plus en retrait mais pas moins bon dans leurs rôles. Et comme si ça ne suffisait pas, la bande-originale, remplie de morceau des 90′s, est un petit bijou à elle toute seule.

Drôle, émouvant, original et bourré d’action, Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde possède tout les ingrédients d’un grand divertissement populaire, intelligent et en phase avec son époque et est un vrai remède contre les sempiternelles suites, remakes et reboots que inondent les salles dernièrement. A mon goût le meilleur épisode de la la Blood and Ice Cream Trilogy, le film d’Edgar Wright a des chances de rester dans les mémoires au coté des Retours Vers le Futur et autres Ghostbusters. Malgré le fait qu’il soit assez mal distribué dans notre pays, je ne peux que vous recommander de trouver le cinéma le plus proche et d’aller le voir, entre pote. Puis d’aller boire des pintes jusqu’à la fin du monde !
Belloq
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le 29 août 2013

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Belloq

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