Le Dernier Tango à Paris par Gérard Rocher La Fête de l'Art

A Paris dans le seizième arrondissement, une jeune femme marche d'un pas pressé afin d'aller retrouver son ami cinéaste à la gare. Cette jeune femme c'est Jeanne, fille d'un colonel. Un homme sur le même trottoir, sous le pont de Bir-Hakeim, marche beaucoup plus lentement. Il paraît usé, préoccupé. Cet homme Paul est un américain de quarante ans mais qui en paraît plus. Il vient d'apprendre que son épouse s'est suicidée dans sa chambre d'hôtel et il n'en connaît absolument pas les raisons. Il doit se rendre sur les lieux. Jeanne a trouvé à cet endroit même un appartement à louer. Elle y entre et Paul s'y engage également. Ils ne se connaissent absolument pas et sans mot dire font l'amour. Dès lors une relation s'établit régulièrement entre eux basée sur le sexe, une relation sans espoir, histoire d'oublier au moins pour quelques temps un passé pathétique.

Lui n'a rien compris, ni ce qui lui arrive ni ce qui a bien pu se produire pour que sa femme en vienne à un tel acte. Son ressenti: un lourd constat d'échec. Est-il apte à survivre à tout cela ? Certainement pas, lorsqu' arrive une sorte de rémission en la personne de Jeanne. Par des excès dans ses relations sexuelles avec cette compagne, il va pouvoir s'extérioriser, exprimer une certaine domination à défaut de confidences. Paul n'existe plus. Seul son sexe, son corps, sa chair s'expriment comme dans un tango où le sensitif remplace, le temps d'une danse, les mots. Jeanne subit des outrages de la part de cet inconnu mais ne joue-t-elle pas le rôle d'un ange exterminateur? Au contraire de Paul, son avenir est dégagé et son passé n'est certainement pas celui qu'elle laisse paraître. Jeanne est féministe, libre, elle fréquente son cinéaste qui rêve de faire une photo d'elle dès son arrivée à Paris. Paul est pris dans une toile d'araignée, le mâle n'a plus que son sexe et sa stature mais il lui faudra bien un jour ou l'autre redescendre sur terre et là Paul sera comme mort car son agonie n'aura duré que le temps de cette liaison tourmentée et sulfureuse, annonçant peut-être à son tour son suicide.

Cette œuvre concoctée par Bernardo Berlolucci a, comme chacun sait, suscité chez un certain public un gros scandale. Beaucoup n'ont vu ce film que sous le biais d'une œuvre pornographique aggravée par cette fameuse scène de la plaquette de beurre. En fait, ils ne semblent pas avoir trop compris le message du réalisateur qui nous a décrit, à sa manière, les derniers soubresauts de la vie d'un homme désemparé et désespéré. Petit à petit il se consume, l'animal prenant le dessus sur les sentiments. Par la force des choses, c'est Marlon Brando, restant sur quelques échecs, qui assuma ce rôle très exigeant, d'autres acteurs s'étant désistés. C'est pour moi l'un des plus grands moments cinématographiques de sa carrière. Cet homme interprète ce rôle de désespéré avec un naturel et une maestria étonnants. Par sa carrure, sa froideur il était fait pour ce personnage. Maria Schneider est restée longuement choquée par son rôle ingrat mais ô combien fantastique! Longtemps elle en a voulu au réalisateur à cause notamment de cette fameuse scène de sodomisation qui était en fait le dernier acte désespéré, la dernière folie de Paul avant le néant complet. Maria Schneider est magnifique dans ce huis-clos glauque qui nous tient en haleine à la façon d'un thriller. Elle a certainement tenu là, malgré sa souffrance psychologique, le plus grand rôle de sa carrière. Son personnage est ambigu et Bernardo Bertolucci va réussir avec ces deux grands acteurs à nous produire une œuvre étonnante, surprenante et poignante. Il faut également citer Jean-Pierre Léaud, l'ami de Jeanne dans le rôle d'un jeune réalisateur de nouvelle vague s'adaptant fort bien au tempérament un peu trompeur de Jeanne, femme libérée par excellence.

Cette œuvre qui fit tant parler, qui fit tant couler d'encre est un film très marquant dans l'histoire du cinéma. Bernardo Bertolucci a osé déranger un certain public afin de faire passer un message très fort, tel que l'avait fait Marco Ferreri dans "La grande bouffe" ou encore Maurice Pialat dans "Sous le soleil de Satan". Le résultat est admirable et ce film marquera à jamais les esprits qu'ils soient révoltés ou non par la réalisation. En fait, tout est une question de sensibilité et personnellement j'ai franchement été impressionné par le style très réaliste d'un très grand metteur en scène. Pour finir, un point non négligeable: la musique envoûtante de Gato Barbieri, laquelle colle si bien à l'intrigue.

- Extrait du film -
http://www.senscritique.com/film/Le_Dernier_Tango_a_Paris/critique/22111838
Grard-Rocher
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Créée

le 20 juin 2014

Modifiée

le 17 juin 2013

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