Neuvième long-métrage en tant que réalisateur du talentueux directeur de la photographie Jack Cardiff, The Mercenaries (ou Dark of the Sun pour son exploitation américaine) a tout du classique méconnu, de la petite pépite mise à l'écart au profit de bandes plus accessibles et propres sur elles, citée en exemple par des cinéastes reconnus tels que Martin Scorsese et Quentin Tarantino.
Tourné en décors naturels en Jamaïque et en studio à Londres, The Mercenaries, tiré du roman de Wilbur Smith, prend comme toile de fond la décolonisation du Congo belge, et orchestre, sous ses atours de film de commando, la confrontation entre deux visions de l'armée et du commandement, tout en mettant face à face le soldat blanc dit "civilisé" et le guerrier noir galvanisé par ses croyances ancestrales. Deux figures opposées que le film mettra au même pied d'égalité sur l'échelle de la connerie et de la barbarie.
Dans la parfaite continuité du travail d'auteurs tels que Sam Peckinpah (avec Major Dundee) ou Arthur Penn (avec Bonnie and Clyde) qui auront détourné insidieusement le cinéma hollywoodien en lui injectant une dose inédite de violence graphique et de contestation, Jack Cardiff livre une oeuvre incroyablement pessimiste pour l'époque, d'une noirceur sidérante. Le regard du cinéaste est virulent, dénué d'illusion sur l'homme et le chaos qu'il semble prendre un malin plaisir à engendrer.
Troublant quand il mêle une violence exacerbée aussi bien physique que psychologique à une confection à l'ancienne (désuète, diront certains), The Mercenaries annonce carrément, par sa folie ambiante et sa liberté de ton, des oeuvres fortes et subversives comme Soldier Blue, Cross of Iron ou bien encore le Sorcerer de William Friedkin, avec qui il partage un cadre exotique aussi imposant que photogénique.
Porté par un sens aigu du cadrage et par un casting impeccable dont on retiendra surtout le duo Rod Taylor / Jim Brown, sans oublier un Peter Carsten immense en salopard de la pire espèce, The Mercenaries réussit à être à la fois un exaltant film d'action tout autant qu'une oeuvre critique et séminale. Une plongée incroyable au coeur d'un enfer uniquement enfanté par la bêtise et la cupidité de l'homme, qui mérite d'être (re)découverte sur le champ.