Le titre français ne donne guère envie d’aller découvrir ce film de la revenante Gurinder Chadha qui s’était fait connaître il y a quinze ans déjà avec le feel-good movie « Joue-la comme Beckam ». Changement de registre radical pour cette anglaise d’origine indienne qui revient sur une page méconnue de l’histoire de ces deux pays à travers cette mini fresque retraçant la période durant laquelle l’Empire britannique décide de donner son indépendance aux Indes. Cela avec un choix cornélien en filigrane pour le vice-roi : la partition du pays (avec l’Inde et les hindous au Sud et le Pakistan et les musulmans au Nord) ou l’union indienne. Même si au départ le film peut ressembler au manuel de décolonisation de l’Inde pour les Nuls, ce qui n’est pas forcément qu’une critique puisque que le film est très clair et concis, il gomme assez bien cet aspect par le souffle romanesque qui le traverse.
Cependant on peut avoir une impression de trop-peu car « Le dernier vice-roi des Indes » se tient sur une heure et quarante cinq minutes, ce qui semble être trop court pour retracer cette passionnante page de l’histoire. Notamment quand le scénario fait des détours par l’aspect géopolitique de la chose, on a envie d’en savoir encore plus à tel point qu’un feuilleton en plusieurs épisodes ou une mini-série aurait certainement encore mieux rendu justice à cette période historique. La bonne idée du script est d’avoir fait comme dans « Titanic » pour ne prendre qu’un exemple très célèbre, c’est-à-dire mêler la petite histoire dans la grande. D’un côté on suit le couple royal empêtré dans cette transition difficile avant l’indépendance et de l’autre on assiste à l’histoire d’amour forcément contrariée entre un hindou et une musulmane travaillant au palais royal. Le versant instructif et politique face au versant romanesque et émouvant. Les deux s’imbriquent parfaitement et c’est réussi puisqu’on apprend des choses en étant tenu en haleine d’un côté et qu’on vibre avec ce couple tourmenté de l’autre; au sein d’une histoire sentimentale toutefois à la limite du mielleux.
A noter que contrairement au film cité plus haut de la réalisatrice, celui-ci bénéficie d’une direction artistique extrêmement soignée. Les plans sont beaux et elle optimise à merveille ses fabuleux décors. L’interprétation est du même acabit, que ce soit le couple multi-culturel plutôt touchant ou Hugh Bonneville et l’ensemble des seconds rôles. Mais c’est Gillian Anderson qui retient le plus l’attention. En épouse du roi, elle se démarque tout à fait dans un rôle qui n’aurait pu être qu’un faire-valoir. Au final, elle le rend prestigieux et, sur certains points, décisif. Sobre et distinguée, elle apporte une belle touche de douceur et de classe au film. « Le dernier vice-roi des Indes » est donc en l’état un beau film qui remet au goût du jour une page importante du passé. Très documenté mais également émouvant sans être larmoyant, il se révèle une excellente surprise à découvrir.