J’ai souvent pensé que le problème des films avec Jean Gabin c’était Jean Gabin lui-même. Je n’avais probablement pas vu les bons films ou davantage ceux dans lesquels sa tendance à cabotiner m’exaspère. Ici c’est sans doute moins Gabin le problème que Michel Audiard qui de par son écriture de dialogue habituelle vient contaminer autant le récit, l’ambiance moite de cet étrange polar que la fragile complexité des personnages. Je pense que le film est beaucoup trop écrit et pas assez mis en scène, pourtant Grangier parvient parfois à faire passer des choses dans la boite de nuit, les appartements, les rues de Paris, quelque chose de très crépusculaire et désordonné qui trouve ses acmés dans sa construction indéterminée, qui peut faire succéder le visage en sueur d’un batteur de jazz noir à celui d’une jeune chanteuse droguée jusqu’à l’os, ou faire disparaître l’attendue noirceur mafieuse pour faire éclore la corruption bourgeoise et pharmaceutique, mais surtout zapper son enquête au profit d’une folle passion amoureuse. Si l’on compare ça aux films de Duvivier de la même époque, ça reste assez inégal dans l’ensemble, mais c’est une chouette découverte.