Il est difficile d'être un juste
"L'ignominie passée sera redécouverte. Comme des doigts décharnés dans des fractures ouvertes."
Second film de Zulawski donc, ce génie polonais (et accessoirement ex-mari de Sophie Marceau, mais ça, on s'en fout), et toutes les imperfections de La troisième partie de la nuit sont ici balayées pour accoucher d'une pure oeuvre zulawskienne. Le Diable est une fresque historique et satanique, toute en hystérie communicative. Avec un récit aussi dense, monstrueux et symboliste, Andrzej trouve un sujet à la hauteur de ses ambitions démesurées. Comme Il est difficile d'être un Dieu, sorti récemment et auquel ce monument m'a fait quelque peu penser, Le Diable est un film sacral, à l'atmosphère pouilleuse et canonique. Empêtré dans le brouillard, le péché et la folie, Jakub assiste, impuissant, à la mort d'un monde, le sien, lui l'idéaliste qui rêvait de renverser le régime, lui l'apôtre de la liberté.
Le Diable est un Zulawski hallucinant de maîtrise, la caméra virevolte dans tous les sens, enfermant le spectateur dans une suite de visions démoniques et épileptiques. Jakub erre dans une Pologne en ruine, où la débauche et le vice ont pris la place des valeurs morales.
Comme toujours, Andrzej Zulawski aime truffer son film de connotations bibliques, de symboles formels et esthétiques, jusqu'aux noms des personnages, embrassant à bras le corps la vision de l'apocalypse. Sodome et Gomhorre, en somme, et le parcours messianique de Jakub a tout de la résistance à la tentation. Mais ici, Jakub n'est rien d'autre qu'un prophète déchu, aveuglé par un Malin qui règne en vainqueur sur ce microcosme décomposé et qui de son trône, observe en se gaussant l'échec des pieux et des humanistes.
Une claque façon Jugement dernier !