La production Netflix avait misé sur son casting cinq étoiles et sur le réalisateur-scénariste Antonio Campos pour délivrer la promesse d'une adaptation réussie du best-seller de Donald Ray Pollock, un film puissant, marquant, dans la lignée des maigres vraies réussites de la plateforme. Sauf que le réalisateur du biopic Christine n'est pas l'homme de la situation. Enfin, pas tout à fait.
Film choral entremêlant drame, thriller et portrait suranné d'une Amérique décadente où apparences trompeuses et dégueulasseries constantes font partie du quotidien, Le Diable, tout le temps brasse les genres et les thématiques à travers une mise en scène élégante, à la photographie éclatante, aux cadres réfléchis et à la direction d'acteurs exemplaires (Tom Holland ou le nouveau Jamie Bell). Le long-métrage semble irréprochable. Pourtant, manque au film une linéarité nécessaire, un style concret, la faute à une écriture ratée où l'enchainement des scénettes ne fonctionne jamais et où la longueur évidente de certaines d'entre elles nuit au rythme lancinant désiré par le réalisateur.
Autour d'une histoire aussi ingénieuse et intéressante que maladroite dans sa structure, Le Diable, tout le temps fait beaucoup penser au The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance, l'efficacité en moins. Sans jamais réussir à imposer un ton, une régularité et une narration intelligente (une histoire morcelée n'est pas toujours synonyme d'efficacité), Antonio Campos peine à ancrer son long-métrage dans un tout cohérent, dans un voyage glaçant sur le papier mais inopérant à l'écran. Pourtant encore une fois visuellement magnifique, graphiquement violent et scénaristiquement passionnant, l'adaptation semble rester néanmoins paradoxalement vide, parfois pénible à regarder, comme une contemplation inutilement forcée qui témoigne d'un manque de maîtrise maquillé en auteurisme de pacotille.