Il fallait vraiment être couillu pour oser sortir Le Dictateur dans un tel contexte de guerre. Comme la plupart des films de Chaplin, il s'agit d'une comédie basée en grande partie sur les gags burlesques et les situations comiques, mais qui introduit aussi la notion de parodie de la situation politique contemporaine, situation ma foi fort tendue.
Si on ressent dans les gags l'influence et les restes du cinéma muet, de par les nombreuses cabrioles, le parlé est très bien exploité, le sujet s'y prêtant particulièrement (imitation de la langue allemande et de l'intonation d'Hitler). Même la VF est superbe, avec Roger Carel comme voix française pour Chaplin, une voix qui colle parfaitement à ce rôle ! Carel a par ailleurs été la voix française du personnage d'Hitler auparavant dans Le Renard du désert (la version française de Le Dictateur avec Carel en doublage étant sortie en 1968).
Comparé à d'autres films comiques du début du cinéma parlant, j'ai trouvé ce film particulièrement drôle, parce qu'intemporel, mais également absurde. Il met des personnages importants dans des situations ridicules (scènes avec Mussolini, la superbe scène de danse avec le globe, Hitler se faisant arrêter par la Gestapo...), et même les gags du barbier, s'ils sont moins parodiques, nous font vraiment nous esclaffer (scène dans l'avion, combats contre la Gestapo, la Danse Hongroise n°5 de Brahms...). L'humour, dans ce film, est intemporel.
La parodie est évidente, elle dénonce clairement les personnalités du monde politique (Hitler devient Hynkel, Mussolini devient Napoleoni) et leurs principes (brutalité du régime nazi, persécution des juifs). Tout y est parodié, des soldats agissant comme des machines et pouvant agir d'une façon ou son inverse selon les ordres, jusqu'à la croix gammée qui devient une double croix, symbole de duperie, de trahison.
Évidemment, là où Le Dictateur se détache de la simple parodie, c'est lors du discours final de Chaplin, message de paix et d'appel à la protestation, qui en 1940 est d'une clairvoyance et d'une sagesse trop peu assumée à cette époque. La performance de Chaplin nous touche droit au cœur, et pendant quelques minutes, on quitte totalement le burlesque, et on ne peut que se sentir concerné par ce regard perçant, dévisageant et volontaire.
Le Dictateur est poilant, inventif, rythmé, mais aussi dénonciateur, visionnaire, témoin. C'est un film riche, à découvrir absolument. On ne peut que passer un bon moment.