Un grand film pour un grand homme.
Un film culte parmi tant d'autres mais qui n'a pas ce statut pour rien. Charlie Chaplin livre ici une pépite de film comique, ce qui ne l'empêche pas de critiquer Hitler et de s'engager politiquement contre le nazisme.
A travers le personnage d'Hynkel, il rend grotesque le personnage d'Hitler, il le représente comme un homme au comportement immature et prenant des décisions absurdes. (l'exemple le plus flagrant pour moi est quand on voit Hynkel décréter qu'il faut tuer tous les bruns, sans exception.)
Hynkel, c'est aussi un personnage avec des envies de grandeurs aberrantes. Je pense à la scène du globe où il "danse" avec le monde dans ses bras, le lance dans les airs, puis le rattrape, comme un enfant avec un jouet. Jusqu'au moment où le globe explose, il explose en larmes, tel un chérubin. Métaphore du monde à sa merci, monde qu'il veut mener à la destruction.
Dans ce passage, on aperçoit aussi son bureau, à l'image de sa soif de domination, celui-ci est immense, les portes ainsi que les murs sont si hauts qu'on n'en voit pas le bout. Les tableaux et sculptures à son effigie montrent un homme avec une forte image de lui-même...
Comme dans le théâtre de l'absurde, Chaplin porte en dérision la parole par l'intermédiaire des discours du dictateur. Ces derniers sont d'une rare violences, en particulier quand il s'exprime au sujet des juifs, mais n'ont aucuns sens. A l'exception de quelques mots tirés de l'allemand, si je ne m'abuse, le reste n'a aucun sens. C'est particulièrement visible lorsque les micros se tordent sous le poids de cette violence incompréhensible.
Le point fort du film, c'est la vie des juifs dans le ghetto de Tomanie. On les voit souvent importunés par les troupes de la mort mais jamais ils ne se laissent abattre, certains, à l'image d'Hannah ont encore l'espoir que tout n'est que temporaire et que les jours meilleurs ne tarderont plus. Ces passages avec les juifs sont touchants, ils montrent que la vie continue malgré toutes les persécutions et apportent une touche d'humanisme, en décalage avec la force brute d'Hynkel.
Bien que Chaplin avait une image relativement confortable des camps de concentrations (chacun sa couchette), très loin de la triste réalité, et qu'il n'avait pas encore idée de la volonté d'exterminer les juifs d'Hitler, Le Dictateur reste un film visionnaire. En effet, lorsque la production commença en 1938, il n'était pas encore question de seconde guerre mondiale...
Un grand film, ne serait-ce que pour son discours final, je conseille à tous de vivre cette expérience.