A l’origine Le dîner de cons est une pièce de Francis Veber : hilarante. L’auteur en a lui-même réalisé l’adaptation cinématographique. Franchement, qui ne l’a pas vu ??? Disons-le tout net, d’un point de vue strictement cinématographique, il n’y a pas de quoi s’extasier. Les quelques scènes en extérieurs sont là pour la forme. En réalité, il s’agit bien de théâtre filmé. Oui mais, l’intrigue fonctionne tellement bien que ça marche à tous les coups. Combien de films comiques résistent aux visionnages successifs ?


Le signe de la réussite tient dans quelques phrases cultes qu’on entend toujours à l’occasion, comme « Un con de classe mondiale » ainsi que « Il a une belle tête de vainqueur ». Et puis, le jeu sur les noms est irrésistible, avec Marlène Sasseur et Juste Leblanc. « Ah bon, il a pas de prénom ? » C’est une mécanique bien huilée où les quiproquos s’enchainent à une vitesse folle dans une logique implacable. Et Thierry Lhermitte peut fort justement se plaindre en disant « On a repoussé les limites, là ».


L’intrigue est parfaitement menée, l’auteur s’arrangeant pour que le spectateur comprenne très rapidement de quoi il est question, sans que François Pignon (Jacques Villeret) soit averti. Pignon est évidemment un peu naïf et très maladroit, mais il ne demande qu’à bien faire. Donnez-lui la possibilité de prendre des initiatives et il peut vous mener à la catastrophe. C’est ce que constate Leblanc (Francis Huster) quand il débarque chez son ami François Brochant (Thierry Lhermitte). Son hilarité est un des meilleurs moments du film.


Outre son exploration de tous les registres comiques (répétition, accents, situations, quiproquos, etc.) le point remarquable du film est son interprétation. Villeret est époustouflant, capable d’improviser un accent belge et de mener une conversation téléphonique de main de maître, conversation qui mène malgré tout à la catastrophe. Et alors, il devient tout penaud. Mais, retrouvant bien vite son enthousiasme, il cherche à rattraper ses gaffes. Thierry Lhermitte est impeccable en bourgeois cynique dont le point faible est sa cinquième lombaire. N’oublions pas Catherine Frot en maîtresse prête à débarquer à la moindre brèche et Catherine Vandernoot en épouse blessée. Même Daniel Prévost n’en fait pas trop, dans un rôle de beauf (un homme nommé Cheval…) qui connaît parfaitement son métier d’inspecteur des impôts. Pourtant, avec « Allez l’Ohème » et « Aux chiottes Auquecerre »… on pouvait craindre le pire. Dans un film court (1h17) et toujours rythmé, Francis Veber réussit à faire rire constamment tout en soignant la psychologie de ses personnages et l’enchainement naturel des situations abracadabrantesques…


Tout compte fait, on peut se demander ce qu’est un con, parce que le final nous laisse entendre que le plus con des deux n’est pas forcément celui qu’on pense. Heureusement, Veber a l’intelligence de ne pas se contenter d’un gentil happy end.


Dialogue imaginaire :


Brochant : Comment occupez-vous vos heures de loisirs ?
Pignon : Je vais au cinéma. Je lis pas mal aussi.
Brochant : Ah bon… et vous partagez vos passions ?
Pignon : Oui, bien-sûr.
Brochant : Avec vos amis ?
Pignon : Oui, je rédige des critiques que je poste sur un site Internet.
Brochant : Vraiment ? C’est très intéressant.
Pignon : Vous aimeriez voir ce que je fais ?
Brochant : Bien-sûr, montrez-moi.
Pignon : Alors vous voyez, de temps en temps j’ai l’occasion de voir des films en avant-première. Dans ces cas, je rédige une critique à mon rythme et je la publie quand je suis prêt. La dernière fois, c’était en août pour Le mariage de Rosa qui ne sortira qu’en 2021. Et vous voyez, j’ai déjà 11 appréciations !
Brochant : Oh, mais vous avez beaucoup de succès.
Pignon : Oh oui. D’ailleurs, il y a quelque temps j’ai été contacté sur le site par quelqu’un qui m’a proposé une projection de presse. C’était pour Avant l’aurore, un film qui sortait plusieurs années après son tournage. J’y suis allé, mais je n’ai pas été emballé. J’ai quand même rédigé une critique et j’étais prêt pour la sortie en salles. Mais je n’étais pas motivé. Alors, j’ai gardé la critique en réserve et je l’ai sortie pendant le confinement. Cela ne m’a pas empêché de faire le meilleur score !
Brochant : Et vous faites ça depuis longtemps ?
Pignon : Oh oui, depuis des années.
Brochant : Et… vous n’aimeriez pas parler de tout cela devant un public choisi ? J’ai quelques amis assez cultivés qui se feraient un plaisir de vous recevoir.
Pignon : Puisque vous me le proposez.
Brochant : Vous seriez libre mercredi soir ?
Etc.

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le 21 oct. 2020

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