Oeuvre historique et émotionelle
L'affiche jaune placardée dans la plupart des stations du métropolitain de la capitale m'avait immédiatement attiré l'œil. Outre la couleur chatoyante utilisée pour flatter la rétine du passant parisien, c'est la composition simple que m'avait frappé. Une bouche, un micro des années 30 et un titre. Rien de plus. Cette volonté de simplicité et la pâte vintage de la réclame m'avait alors immédiatement donné l'idée d'une fresque historique, sentiment confirmé par un titre ne laissant plus de place au doute : Le discours d'un roi (The King's Speech dans la langue de son Sa Majesté Victoria).
En amateur insatiable de films historiques et du jeu précis et prenant de Colin Firth, s'était tout de suite imposé à moi la nécessité d'aller en apprendre plus sur le personnage du Prince Albert Frederick Arthur George de Galles, devenu par la suite le Roi George VI du Royaume-Uni et Empereur des Indes (pompeux n'est-ce pas ?). Cette nécessité fût dument comblée dimanche dernier, et je me propose de vous en faire un compte-rendu aussi objectif et inspiré que possible. Where to start then?
Commençons peut-être par rappeler les grandes lignes de l'intrigue pour ceux qui ne les connaîtraient pas encore. Nous sommes dans les années 30 et le Prince Albert de Galles souffre d'un bégaiement développé dans sa jeune enfance, bégaiement qui l'embarrasse fortement en l'empêchant d'effectuer correctement les tâches publiques qui incombent à tout membre de la royauté britannique (et qui a fortiori leur décombent). Il fuit ainsi les apparitions tout en se soumettant à maints remèdes et manipulations inefficaces à le guérir son affliction. Mais lorsqu'il comprend qu'Edouard VII, son roi de frère aîné, ne restera pas longtemps sur le trône, il lui faut trouver au plus vite une solution.
L'histoire nous expose alors la relation entre le future roi Georges VI et un thérapiste aux pratiques peu conventionnelles, le sémillant Lionel Logue. Colin Firth est, sans véritable surprise, exceptionnel dans son rôle princier. Il nous transmet parfaitement la détresse, la colère et la peur d'un futur roi hanté par les brimades de son enfance, démons passés qui s'expriment dans son bégaiement. Son interprétation du défaut de prononciation de Georges VI est parfaite au point qu'on en vient à comprendre au long du film les profondes racines psychologiques et traumatiques d'une telle condition. Geoffrey Rush (que l'on connaît bien pour son rôle de Barbossa) est lui aussi extraordinaire de psychologie, de calme et de décontraction dans son rôle d'orthophonistes faisant face à un personnage princier désemparé et enclin au défaitisme. Les deux acteurs construisent tout au long de l'intrigue une relation complexe qui mêlera respect, paternalisme, amitié et intime compréhension. Se conjuguent alors pour nous spectateur l'émotion la plus complète et le rire, car ce duo magnifique se transforme en bien des occasions en duo comique, utilisant à la perfection les arcanes de l'humour anglais, piquant et noble. Helena Bonham Carter est plus oubliable dans son rôle de Princesse Elisabeth, rôle qu'elle joue bien mais en y instillant une légère pointe de suffisance qui parait parfois de trop dans cette peinture si digne.
Le film va bien au-delà d'une simple description d'une relation d'amitié. Le réalisateur, Tom Hooper, semblait nous promettre une fresque historique par sa réclame bigarrée, et c'est bien ce qu'il nous propose. On découvre ainsi les us et coutumes d'une famille royale qui balance alors entre traditions strictes et désirs d'émancipations. On en apprend également plus sur le personnage d'Edouard VIII et sur les conséquences de ses frasques sur la vie politique de l'île. Sont également traitées rapidement mais efficacement les relations complexes entre le pouvoir politique britannique, la famille royale et l'église anglicane. Mais, ce qui fait la véritable saveur de cette œuvre historique qu'est Le discours d'un roi, c'est le ressenti qu'elle nous donne de l'atmosphère qui régnait en Europe à l'époque: pacifisme aveugle, montée sourde puis retentissante du nazisme, déclaration de guerre et approche du Blitz. On comprend mieux pourquoi les britanniques et les habitants des colonies anglaises d'alors se sont tournés vers leur roi dans ces sombres heures et comment leur roi leur a répondu.
Bref, nous nous trouvons devant un film exceptionnel qui sait nous montrer comment un détail de l'histoire peut gouverner à la destinée des peuples. Des acteurs magnifiques et une réalisation posée et solennelle, respectueuse des acteurs et de l'histoire, nous offre certes la fresque que nous étions venus chercher mais nous emplit également d'émotions intenses et variées dont on ne se lassera jamais. Un film à aller voir de toute urgence donc, dans sa version originale bien entendu.
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