En 1934, le roi George V est doublement dans l'embarras. D'abord, sur le plan international, il est plutôt préoccupé par les vociférations un tantinet agressives d'un agité du bocal moustachu et néanmoins germanique.
Sur le plan familial, ses angoisses concernent ses deux fils. D'un côté, le fils ainé, David, qui devrait légitimement lui succéder, semble prendre un malin plaisir à faire tout le contraire de ce qu'on attend de lui. Il se contrefout royalement de la politique ou de l'économie et ses seules qualités de diplomates sont appliquées à ses relations avec une certaine Américaine (horreur !) divorcée de surcroît (double horreur !!).
Son second fils, Albert, ressemble beaucoup plus au prince modèle, le bon élève, le premier de la classe, le fiston à papa.
Mais il a un problème (outre qu'il ne vient qu'en deuxième place dans l'ordre de succession au trône) : il ne sait pas s'exprimer correctement ! Or, en cette période de TSF naissance et néanmoins triomphante, ce défaut est pour le moins rédhibitoire. La femme du dit fiston va donc prendre contact avec un orthophoniste, Lionel Logue. Celui-ci va appliquer au prince royal des méthodes pour le moins inhabituelles : il va l'appeler Bertie, l'engueule copieusement, le maltraite joyeusement et le force à parler de sa famille et de son enfance.
Soyons clair : il s'agit, d'abord et avant tout, d'un film d'acteurs. Le casting tout britannique est exceptionnel. Colin Firth n'a pas volé son oscar : sa prestation est époustouflante ! A ses côtés, Helena Bonham Carter, Geoffrey Rush ou Derek Jacobi sont excellents (et j'avoue un plaisir coupable à retrouver Timothy Spall, pour lequel j'ai beaucoup d'affection, et qui tient ici le rôle de Churchill).
Le scénario est bon aussi. Il insiste sur les relations entre "Bertie" et Logue, relation faite d'éloignements et de rapprochements. La principale opposition entre les deux s'appuie sur l'origine du bégaiement du prince : psychologique pour l'orthophoniste, qui va essayer d'en trouver la cause inconsciente ; purement mécanique selon Albert.
C'est là que se joue progressivement l'un des enjeux du film : la description d'une famille qui se trouve enfermée dans une étiquette trop rigide. Finalement, chacun des deux frères réagit à sa façon au cérémonial stérile d'une monarchie enfermée dans ses traditions. Des traditions qui ne permettent pas de libérer la personnalité de chacun. David, le futur Edouard VIII, réagit en faisant une éternelle crise d'adolescence, rejetant le modèle familial de façon ostentatoire. Albert, le futur George VI, va lui devoir s'affirmer, trouver un subtil équilibre entre traditions et personnalité.
Hélas, le film souffre d'un problème majeur : sa réalisation, plutôt terne. La reconstitution des années trente est plutôt bonne. Mais le film manque de vie. Il se déroule devant nous et on le regarde d'un œil distrait, sans passion excessive. Seule la scène du discours de 1939 (ce fameux discours qui avait pour but d'unir la nation pour qu'elle résiste face aux horreurs futures de la guerre) est réussie, elle fait naître des émotions et nous prend par les sentiments (même si c'est avec des moyens classiques).
Un film plutôt agréable grâce à son interprétation, mais peut-être parfois un peu surestimé.