Voilà certainement l'un des films les plus singuliers de ce début d'année. Il a tout pour être agaçant mais jamais il n'agace. On pourrait le croire pédant, présomptueux, maniéré, il est léger, apaisant, drôle, bizarre.
Comme Réalité, Le dos rouge suit le parcours d'un cinéaste en quête d'inspiration. Si la recherche n'est pas la même, l'approche à tonalité lynchienne d'Antoine Barraud rejoint celle de Quentin Dupieux. Le lien c'est le jeu, l'amour du jeu, l'amour du cinéma.
Le film commence très classiquement, voix-off narrative d'une Charlotte Ramplng qu'on écoute forcément [évidemment] évoquant les relations de son fils aux musées, aux œuvres qu'on y expose, à la peinture. Le même fils, plus tard, demande à être accompagné pour trouver un monstre, un tableau avec un monstre, quelque-chose avec un monstre qui sera au cœur du film qu'il prépare.
Puis ça dérape tranquillement, tout doucement, au fur et à mesure que l'esprit du cinéaste s'embrouille, qu'on découvre de belles œuvres, que notre esprit lui-même dialogue avec les tableaux [Balthus, Gustave Moreau, Miro, Le Caravage... et la découverte d'un sidérant autoportrait de Léon Spilliaert]. Les comédiens improvisent sans que l'on s'en rende compte, le monde bascule, s'éloigne de la réalité, rejoint la rêverie, les fantasmes, la fugue.
Le dos rouge est un film d'une grande douceur, jamais hystérique, jamais poseur. Le jeu de Bertrand Bonello, très naturel, y est pour beaucoup. La narration elle-même, procédant par vignettes, certaines scènes très courtes, des dialogues amorcés jamais terminés, de nombreuses situations absurdes ou poétiques, fantastiques parfois, souvent mystérieuses, distille une atmosphère très vite envoûtante, comme une drogue douce. La mise en images est forcément picturale, le travail du cadre précis, le jeu entre le champ et le hors-champ d'une grande finesse, la musique [pour beaucoup de Bonello] en harmonie totale.
Et puis les comédiennes, toutes merveilleuses, Jeanne Balibar, Géraldine Peilhas, Valérie Dréville, Nathalie Boutefeu, Joana Preiss, et cette si jolie fin...
Une rêverie, un beau film dans lequel on se perd comme dans la contemplation d'un tableau.