Étonnant de voir, après Réalité de Dupieux, un autre film sur le processus de création d'un flim (justemment), qui symbolise l'exercice par un grattement, une rougeur, une démangeaison.
Le moyen est assez différent ici, il s'agit surtout du rapport à l'art, à la partie physique et irrationnelle de la réflexion. Et qui de mieux pour montrer que le processus créatif vient des tripes que Bonello, réputé cinéaste ultra-cérébrale ? Il se retrouve donc entouré de créatures (amies, productrice, journaliste, etc.) toute plus symboliques et irrationnelles les unes que les autres, dans un Paris ultra artistique (sur lequel le film a d'ailleurs beaucoup d'humour).
Au début j'étais paumé. Sur abondé d'images, de métaphores, dans une photographie ultra-composé, dont chaque ligne vient nous titiller, chaque jeu de couleur est là pour nous provoquer. Je me dit que je manque de référence, que c'est un film ultra-intello dont je rate toute la subtilité.
À la fin j'étais paumé. Mais j'y avais pris goût. J'avais compris que mes analyses ne me mèneraient pas plus loin que Bonello. Il finira d'ailleurs par dire qu'il ment à tout le monde depuis le début, il répètera sans cesse qu'il ne comprend rien à ce qu'il voit. Du coup je me laissais porter par ces attaques incessante de l'art, comme autant d'expériences qui permettent de sentir un peu, mais pas d'expliquer beaucoup.
Ce qui fait que le film fonctionne particulièrement bien, c'est qu'au milieux de cette avalanche de gens barjos, d'évènements à la limites du fantastique, de l'absurde, Bonello est imperturbable de pragmatisme, de réalisme. Comme si tout ça était, non pas normal, mais habituel, nécessaire.
Film-expérience, qui peut paraître un peu ésotérique, mais qui traduit avec subtilité et humour l'état d'esprit dans lequel se trouve le réalisateur, et plus généralement l'artiste. Il faut se laisser séduire, ne pas tenter de résister à ce film…