C'est avec beaucoup d'enthousiasme que je me rendais à la projection de ce film. Aucune attente particulière concernant ce dernier mais une simple envie de m'ouvrir à un cinéma que je ne connaissais que trop peu et que j'aspire à découvrir encore.
Le film souffre de nombreux défauts et expose tout de même quelques qualités. Je garderais ces dernières pour la fin.
Le défaut principal des mauvais films d'espionnage vient de ce qui fait la qualité des bons films de la même catégorie : le scénario. Quand tu te pointes dans une salle obscure qui s'apprête à diffuser un film israélien d'espion, il y a forcément beaucoup de possibilités qui s'annoncent et il est naturel de rester ouvert quand à ce qui va t'apparaître. En soit, le choix d'une mission de surveillance d'une femme pour une autre était intéressant. Là en plus, l'affiche faisait bien le taf de communication : il y a marqué "un film d'espionnage au féminin". En tout gros en haut à gauche qu'on peut pas le manquer pour sur.
Alors pour l'espionnage on repassera pas. L'oeuvre ne montre aucune scène d'action si ce n'est deux pétarades expulsées aussi précipitamment qu'une mie de pain posée négligemment sur une fourchette dans une cantine pleine de marmaille, l'enjeu n'est pas là. L'enjeu il est psychologique et ça on le comprend bien dès le début puisque l'agent féminin que l'on fout sur l'affaire affiche direct un gros background comme on dit quand on fait un peu d'anglais. Alors on ne sait pas du tout ce que c'est, mais apparemment elle est en arrêt depuis deux ans et elle souffre d'on ne sait quoi. A ce stade, même le plus inexpérimenté des spectateurs sent que le truc va refaire surface dans une scène tire larme.
Et cette introduction, cette mise en place du personnage qui aboutira sur un éclaircissement une heure plus tard, cette technique du "setup / payoff", c'est l'histoire du film.
Tout est lisible à l'avance. Ce n'est plus un écran de cinéma que l'on voit mais une boule de cristal. Si le gros de l'histoire consistera à voir évoluer la relation entre les deux personnages, tous les éléments perturbateurs seront décelables a priori. À un tel point que le scénario ne prend même plus la peine d'expliquer comment les rebondissements se produisent, penses-tu, le spectateur est tellement fixé sur la prévisibilité du résultat qu'on s'en tamponne surement du comment c'est t-y que c'est arrivé... Je dois pas être foutu convenablement, mais j'avais vachement envie de savoir en fait. Savoir comment untel survie ou meurt, ou comment untel arrive à la conclusion qu'il doit prendre l'identité de l'autre.
Ouais, c'est évident à ce stade, le scénario m'a pas trop emballé.
Alors parlons un peu de la réalisation. Le montage est très dynamique. Même quand il se passe rien, ça cut. Une fille commande deux cafés et traverse une place avec une baguette de pain et 3 croissants ? 5 ou 6 cuts permettront de dynamiser l'ensemble... La fille prend l'ascenseur pour grimper trois étages? 8 cuts devraient donner une action oppressante... Si on est en dessous de certains actionner américain, ça reste assez intense. Là y en a qui captent pas les coupes, moi je suis obligé du fait que j'étais sorti du film en voyant la femme prendre un ascenseur alors que le principe de cette machine c'est que ça se coince (ou alors c'est une caractéristique qui ne s'applique qu'en France?) et ça risque de te mettre dans une béchamel infernale si le Hezbollah débarque pendant que t'attend qu'Otis ait fini de parler de ses bonnes ou mauvaises situations et viennent te débloquer. Alors la tension grimpe, l'angoisse est palpable, le build up est total, le stress est à son comble... sauf qu'il se passe rien. Et pendant longtemps en plus, ce qui nécessairement nous donne plus ou moins envie d'arrêter de s'inquiéter quand le personnage a l'impression qu'un barbu va lui piquer ses viennoiseries (ou peut être qu'elle pense qu'il roule pour le camp d'en face, je suis pas sur).
Pour les dialogues on souffre d'une mise en scène typique de ce que l'on a pu voir fleurir à partir de La Mémoire dans la Peau de Doug Liman. Ça fout du gros zoom à la longue focale tout azimut et une caméra à l'épaule tremblante qui galère à fixer un personnage pour donner une sensation intimiste, prise sur le vif, d'espionnage... Sauf qu'on commence à en avoir l'habitude et que ça sens autant le renfermé que ce que ça peut foutre la gerbe par moment, quand ce n'est pas carrément appliqué sur une scène qui ne semble n'avoir besoin d'aucun dynamisme.
Du coup, ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu'ici se demanderont pourquoi il y a un 6/10 qui trône sur cette critique. Et bien parce qu'il y a du bon quand même. La réalisation, pour aussi classique qu'elle soit n'est pas inefficace en soit et on trouvera facilement son compte si tant est qu'on ne soit pas tatillon non plus (ce que je me suis cruellement exercé à faire, faut le reconnaître). On peut même accorder quelques scènes un peu plus osées, par exemple un bascule de la caméra de l'autre côté de la ligne de regard entre les deux personnages par une rotation qui rompt la règle des 180° et annonce subtilement un élément marquant dans le dialogue.
Le scénario, pas aussi manichéen et pro-israélien qu'il a pu être décris dans d'autres critiques a le mérite de montrer les personnages comme des individus subissant la pression d'un système qui les dépassent, d'un monde formé d'hommes qui les utilisent, elles comme tous les agents des diverses institutions afin de satisfaire des enjeux politiques et diplomatiques... Le film d'espionnage au féminin c'était pas que de la com'. D'ailleurs y aura même un petit baiser doux entre les femmes, c'est cliché mais ça fait bien.
Les actrices enfin ont clairement réussi leur travail. Rien à redire de ce côté, ce fut une totale découverte pour chacune des figures présentent et aucune ne m'a déçu.
En bref, le film laisse un goût d'amertume. Pas mauvais ni exceptionnel, juste bon comme on en trouve beaucoup d'autre. À chacun de trouver ce qui fera la différence entre celui là et les "beaucoup d'autre". Pour moi, il était un exemple d'un cinéma sous représenté, planté par des têtes d'affiches inconnues et ce fut deux raisons suffisantes pour m'engouffrer dans une salle noire et, tout de même, me payer une heure trente de détente.